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À quoi sert un président d’institution ?

par Olympe Du Fil
23.04.2024
La semaine passée a été marquée par trois nominations de présidents d’institutions : Sylvain Amic au musée d’Orsay et de l’Orangerie, Blanca Li à l’Établissement Public de la Villette et Julien Bargeton à la Cité de l’architecture et du patrimoine.
La première nomination, complètement justifiée, a été saluée par le plus grand nombre : Sylvain Amic avait mis en place une politique ambitieuse à la tête des musées de Rouen, dont une gratuité totale des collections et des programmes inattendus dirigés vers les publics tels que « La Chambre des Visiteurs » permettant aux visiteurs de choisir une œuvre qui sortira des réserves pour être accrochée dans les collections permanentes.
En tant que spécialiste du XIXᵉ siècle et surtout en tant qu’habitué des institutions et de leur gestion au quotidien, la place de Sylvain Amic au musée d’Orsay et de l’Orangerie semble méritée, même s’il faut bien rappeler qu’il s’agit du 4ᵉ président en 7 ans : il vient après Guy Cogeval (2008-2017), Laurence des Cars (2017-2021) partie depuis au Louvre et Christophe Léribeau (2021-2024) – parti lui au Château de Versailles. Chaque président marquant le musée de son empreinte et les présidences étant de plus en plus courtes, ce sont des équipes nécessairement anxieuses qui accueilleront Sylvain Amic et on peut espérer que la politique d’ouverture mise en place par Christophe Léribeau, notamment vers la création contemporaine, se prolongera.

En revanche, on peut s’interroger sur les choix de Blanca Li et de Julien Bargeton.

Blanca Li est une danseuse, chorégraphe, d’origine espagnole et basée principalement en France. Elle est connue pour son approche souvent novatrice de la danse, venant du flamenco, allant vers le hiphop, s’essayant à des spectacles qui ont fait parler d’eux : immersif pour le Bal de Paris (2021), avec les décors de l’artiste Evi Keller pour son Didon et Enée, en Chanel souvent aussi.
Grande amie d’Anne Hidalgo qui depuis 10 ans voulait la placer à la tête d’une institution, c’est donc à la Villette qu’elle atterrit. La Villette, c’est, rappelons-le, 270 salariés, 55 hectares d’espaces verts à la limite d’une zone de trafic de drogue et de prostitution, une grande halle de 26 000m2 qu’il faut remplir avec une programmation qui se doit d’être éclectique et pluridisciplinaire et de très nombreux voisins (la Philharmonie, le Zénith, la Cité des Sciences, le Trabendo, le Cabaret Sauvage).
Bref, on peut s’étonner qu’une danseuse et chorégraphe sans expérience autre que la gestion d’une troupe soit propulsée sur un tel projet, à l’approche des Jeux Olympiques, alors que la Villette accueillera de nombreux événements dont notamment le Club France.
On ne peut que souhaiter bonne chance à Blanca Li et à ses équipes.
Quant à Bargeton… alors là, c’est l’inconnu au bataillon nommé à la tête de la Cité de l’architecture et du patrimoine, l’homme politique arrivant d’on ne sait où, qui a priori ne connaît ni l’architecture ni le patrimoine, ni d’ailleurs ce que c’est que d’avoir à gérer un établissement. À voir le choix opéré pour ce lieu, on se dit que le gouvernement/le président de la République ne s’intéressent pas à la Cité de l’architecture, mais jouent encore à un billard à huit bandes incompréhensibles.
Parce qu’on ne s’improvise pas président d’institution. Il y a un rôle politique à jouer dans cette fonction qui nécessite des figures un peu « connues » et surtout habituées du pouvoir, mais il y a aussi une place à gagner auprès de ses pairs (pas sûr que Bargeton ou Blanca Li seront très respectés des autres présidents d’institutions) et surtout, surtout, des grosses machines à piloter, avec leur complexité, leurs règles légales, leur fonctionnement fait de points forts et de points faibles.
Souvent, ce sont des éléments que les gens apprennent petit à petit, chemin faisant, au fil de leur carrière, mais dans un pays où les choix viennent d’en haut, il faut parfois apprendre sur le tas.

Visuel : © Wikipédia