Hier à 19h, dans une tribune le collectif « Une autre voix » faisait enfin entendre la voix des personnalités du monde de la culture face à l’enchainement de violences, de massacres et de haine que nous traversons depuis le 7 octobre. Plus de 500 personnalités du monde de la culture appellent sur le site du collectif à marcher dimanche 19 novembre à partir de 14h de l’Institut du monde arabe au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme. Une marche silencieuse, « solidaire, humaniste et pacifique ». N’est-ce pas déjà sortir du silence par le mouvement ?
Depuis cinq semaines, le « silence » de la culture face aux massacres en Israël et en Palestine et à la montée inédite, en tout cas au XXIe siècle, de l’antisémitisme en France depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, est marquant. Certaines et certains écrivent même « assourdissant ». Le secrétaire général de la Colline, Arnaud Antolinos est membre du comité « Une autre voix ». Avec le metteur en scène libano-canadien et directeur de La Colline Wajdi Mouawad, il a été surpris par la sidération de ses proches, artistes ou travaillant dans la culture, après les massacres du 7 octobre et face à la montée des haines, alors même qu’au moment du début de la guerre en Ukraine en février 2022, ils et elles avaient été les premièr.e.s à manifester leur solidarité.
Dès le 16 octobre, sur le site du Théâtre National de la Colline, Mouawad signait un texte de réaction qui appelait à l’altérité : « Nous voici face à ce que la barbarie exige de dépassement pour continuer à créer des espaces où les ‘ennemis’ peuvent encore dialoguer et faire entendre ensemble une voix, même infiniment petite, qui ne soit pas celle de la haine ». Et le 2 novembre, le dramaturge signait une tribune dans Libération « Ils n’auront pas ma haine ». Mais aucun engagement de groupe ne s’est vraiment élevé.
Avec pour présidente l’actrice belge d’origine marocaine Lubna Azabal, le groupe et le site « Une autre voix » (constitué par l’actrice Clémentine Célarié, l’actrice et productrice Julie Gayet, l’agent Christelle Graillot, l’attachée de presse Jamila Ouzahir et donc Arnaud Antolinos et Wajdi Mouawad, soutenu.e.s pas les attachées de presse de PlanBey) se sont créés, reliant des artistes qui souhaitaient aussi sortir de la sidération. Ils ont réuni plus de 500 signataires de la tribune publiée sur leur site le 13 novembre et appelant à marcher, le 19 novembre. Les signataires sont issus de toutes les disciplines, confessions et générations : Laure Adler comme Théo Cholbi, Michel Jonasz comme Bruno Podalydès, Kad Merad ou Agnès Joui (liste ici). C’est un vrai mouvement qui vient répondre à un vide surprenant. La demande pour la marche vient d’être déposée à la Préfecture de police, on attend la réponse. Par opposition à la marche du 12 novembre contre l’antisémitisme à l’initiative des deux chambres, celle du 19 se veut non politique.
Est-il possible de réellement marcher en silence, de conserver « une seule longue banderole blanche » comme drapeau et de proposer une réunion publique qui évite les couleurs ? Il semble que la proposition de Wajdi Mouawad dans sa tribune allait déjà beaucoup plus loin : « un changement radical incombe à chacun. Il ne suffit pas de dire que les autres, Israéliens ou Palestiniens, doivent changer, mais de reconnaître que quelque chose en moi doit se transformer. Pour de bon. C’est la somme de la transformation de chacun qui fera en sorte que cet après en sera un ».
À l’heure où le nombre d’actes antisémites dépasse déjà le total recensé l’an dernier, cette marche peut être un premier pas vers un dialogue plus bruyant pouvant assouplir ce climat de peur jusqu’ici paralysant.
visuel (c) Site Une autre voix