Tout au long de l’année, il nous arrive d’aller au théâtre pour y entendre des textes ou y regarder de la danse, et il se trouve que 10 coups de cœur repérés cette saison tentent leur chance dans la fourmilière du Off d’Avignon. Allez-y les yeux fermés, nous avons vu et approuvé !
On commence par un immense tube de la saison, Article 353 du Code pénal mis en scène par Emmanuel Noblet. Nous l’avons vu au Rond Point et depuis, celui qui en campe le seul rôle, Vincent Garanger, a été auréolé de prix : il a été nommé aux Molières et vient de recevoir le prix du meilleur comédien de la part du Syndicat de la critique. Sur fond de décor brut, l’histoire d’un homme ordinaire, Martial, piégé par un promoteur véreux, se déploie comme un polar social et poétique. Le texte resserré devient un quasi-monologue, mêlant humour noir, tragédie et critique sociale. La scénographie sobre et la langue ciselée plongent le spectateur dans l’ambiance brumeuse d’une Bretagne désabusée. Ce récit haletant interroge la justice et la part d’ombre de chacun.e.
Article 353 du Code pénal, à voir au 11, à 21H45 jusqu’au 24 juillet.
Il y a des choses que l’on ne peut comprendre qu’en les vivant. On ne connait bien ses parents qu’après leur mort. C’est la découverte que font Florian, Loelia et Colin, au Théâtre du Train Bleu. Dans le silence des paumes est une pièce très juste, au plus proche de nous, magnifiquement jouée. Assis·es tour à tour dans son fauteuil, iels explorent leur vie marquée par des sacrifices, des emplois précaires et une forme d’invisibilité sociale. Entre théâtre documentaire et fiction, la pièce mêle témoignages réels et récit intime. Les comédien·ne·s naviguent avec brio entre les rôles, faisant surgir humour et poésie au cœur du drame. Une mise en scène inventive transforme ce récit douloureux en un conte presque lumineux.
Dans le silence des paumes, du 5 au 24 juillet. Du lundi au dimanche à 12h30 – relâche les 11 et 18 juillet- Théâtre du Train Bleu, salle MAIF
139 avenue Pierre Semard, 84000 Avignon. Départ en navette à 12h depuis le Théâtre du Train Bleu, début du spectacle à 12h30
Retour en navette vers 13h40- Durée : 1h10
Cette année à Théâtre Ouvert, Nageuse de l’extrême, se compose de deux récits de corps qui se croisent : celui d’Élise, comédienne confrontée au cancer, et celui de Marion, nageuse d’eaux glacées. Dans un espace évoquant une salle d’attente, elles partagent l’expérience de l’épreuve, qu’elle soit choisie ou subie. Le parallèle entre traversée de la maladie et traversée de la Manche met en lumière la résistance du corps, sa fragilité comme sa puissance. La mise en scène sobre donne toute sa place à la sincérité des récits, sans pathos ni artifice. Deux corps, deux luttes, un même désir de tenir, d’avancer, de ne pas sombrer.
Nageuse de l’extrême, du 5 au 24 juil. à 14h | relâche les 11, 18 | 2 h 05 avec trajet, au Train Bleu, Salle MAIF
Ubu Président propose une farce musicale où cinq comédien·ne·s détournent la politique avec humour et absurde, inspiré·e·s d’Alfred Jarry. Le duo Mère Ubu et Père Ubu incarne un couple grotesque, mêlant caricature politique et démesure burlesque, porté par un jeu très expressif. La pièce modernise le texte original en y ajoutant chansons, danses et une satire des dérives contemporaines du pouvoir. Les autres comédien·ne·s assurent une multiplicité de rôles et d’instruments, donnant au spectacle une énergie vive et variée. Ce regard ironique et mordant sur la politique nous invite à rire de nos travers tout en nous interpellant.
Ubu Président, du 5 au 26 juillet au Théâtre du Balcon à 18h30 (relâche les jeudis 10, 17 et 24).
Claudine Hunault, psychanalyste et comédienne, s’empare avec humour et dérision de la question de l’obésité dans Je me petit-suicide au chocolat. Entre témoignages et poèmes, elle explore le rapport complexe à la nourriture, lié aux blessures psychiques et au regard social. Accompagnée par la musique délicate et mystérieuse de Cédric Jullion, sa parole se fait à la fois légère et profonde. La mise en scène épurée laisse place à une performance joyeuse et sensible, loin de tout jugement. Une invitation à entendre ce sujet sensible autrement, au Festival OFF d’Avignon.
Je me petit-suicide au chocolat, du 5 au 26 juillet 2025, relâche les 11 et 18 juillet, au théâtre Transversal
Vu cette année à Artdanthé avant d’arriver aux Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis, ce solo entre récits intimes et exploration corporelle, Mother Tongue de Lucía García Pullés interroge la langue, les corps et ses langues multiples. Sur fond d’électro-dark, la langue devient un corps démesuré, métamorphosant la performeuse en une figure à la fois étrange et fascinante. Entre subversion linguistique et auto-ironie, la pièce questionne le pouvoir, l’exil et l’identité avec une poésie sombre et drôle. Le spectacle mêle gestes précis, non-dits et musique, créant une expérience à la fois physique et intellectuelle. Lucía dévoile ainsi un cri de survie mêlé de révolte, dans une performance qui happe le spectateur au cœur de ses contradictions.
À voir à la Parenthèse, dans le cadre de la programmation de la Belle Scène Saint Denis avec Danse Dense, du 12 au 14 juillet à 18h.
Découvert en extrait à la Belle Scène Saint Denis, avant d’en voir la version spectacle au Carreau du Temple, Je badine avec l’amour (parce que tous les hommes sont si imparfaits et si affreux) est une comédie chorégraphique, où la voix est omniprésente, en direct et en lip-sync. Avec un humour fou et une immense intelligence, Sylvain Riéjou s’empare de son (notre aussi !) film culte, Dirty Dancing, pour raconter comment, adolescent, cela lui a fait prendre conscience de son homosexualité.
À voir aux Hivernales du 10 au 20 juillet à 13 h 50.
De la danse encore ! Avec humour, auto-dérision et complicité, le chorégraphe Ashley Chen et le violoncelliste Pierre Le Bourgeois revisitent leurs parcours et rendent hommage aux figures et aux lieux qui ont marqué la danse contemporaine. Dégringolade ou l’art de rester debout mêle archives intimes, souvenirs d’enfance et réflexions artistiques dans une performance ludique et touchante. Un vibrant manifeste de fraternité et de transmission, que l’on a vu être présenté au Regard du Cygne pour ses 40 ans.
À voir à l’Atelier (de la Manutention) du 10 au 20 juillet à 13 h 15
À partir de là on triche un peu. Ce spectacle n’est pas exactement au Off d’Avignon, mais au festival Villeneuve en scène. Entre chiens et loups naît de la rencontre entre Sandrine Mini, directrice du Théâtre Molière, et le Théâtre du Centaure, fondé par Camille et Manolo. Le spectacle, applaudi cette saison au Théâtre de la Mer à Sète, unit danse, poésie et art équestre dans un dialogue entre humain·es, chevaux et nature. Iels créent une parenthèse de douceur où musique, lumières et mouvements tissent un lien sensible entre les mondes. La scénographie sublime les contrastes sans les opposer, mêlant poésie visuelle et sonore. Une expérience sensorielle qui célèbre l’alliance du vivant.
Le spectacle sera du 8 au 19 juillet à Avignon à 20h au Festival Villeneuve en scène.
Avant d’entrer, on confie anonymement nos fantasmes les plus fous, posant le décor d’un cabaret où l’impossible devient beau. Julia Palombe, diva en body et talons rouges pailletés, investit la scène avec bienveillance et humour, mêlant impro et poésie. Entre candaulisme, voyeurisme et désirs inavoués, elle dédramatise les tabous en interpellant directement son public. Ce spectacle intense, drôle et touchant, finit sur un fantasme doux-amer, bouleversant et inattendu. Julia confirme sa singularité d’artiste plurielle et audacieuse.
Le 5 et seulement le 5 juillet au bien nommé Théâtre des amants, à 20H30
Le Festival d’Avignon se tient jusqu’au 26 juillet. Retrouvez tous nos articles dans le dossier de la rédaction.
Visuel : © Christophe Raynaud de Lage