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Rencontre avec Amélie Niard, marqueteuse sur paille à Marseille

par Cloé Assire
10.05.2024

De passage pour quelques mois à Marseille, la rédaction en a profité pour aller à la rencontre de ses artisan.e.s. Derrière les portes des ateliers phocéens, des savoir-faire, des gestes, des parcours, des hommes et des femmes qui se sont exprimés librement sur leur métier d’art respectif et leurs enjeux. Cult.

Et c’est à deux pas de l’atelier du sculpteur ornemaniste Jocelyn Bellue que nous retrouvons Amélie au sein d’un espace de coworking et d’ateliers partagés : « Make It Marseille ». Un lieu aussi moderne que surprenant où se retrouvent « makers » (artisan.e.s) et « co-workers » pour aussi bien être que faire ensemble, fédérant une fascinante communauté d’entrepreneurs.ses. Accueillies par le sourire et le franc-parler d’Amélie qui installe ses créations, la discussion peut commencer, l’œil rivé aux lumineux reflets des motifs de paille de ses miroirs, tableaux, échantillons de matière et bijoux.

 

Claire : Je porterai bien ces boucles d’oreilles.

 

Amélie : Honnêtement, le secteur des bijoux sature. Pourtant, au départ, je pensais me spécialiser dans les bijoux en marqueterie de paille. Leur prix reste plus accessible que du mobilier ou des objets décoratifs, donc des grandes pièces qui nécessitent plusieurs jours ou semaines de travail, et dont les coûts sont hors de portée de la majorité des bourses. Mais aujourd’hui, je pense arrêter la production de bijoux, du moins à ralentir drastiquement le rythme. C’est beaucoup de travail, qui n’est pas forcément compris par la clientèle. C’est tout le problème des artisans d’ailleurs : faire comprendre les prix. Je crois me souvenir que 20% des artisans vivent sous le seuil de pauvreté en France. Par exemple, ces plus petites boucles sont à 85 € et les plus grandes à 145 €. A ce prix, les gens s’attendent à des strass Swarovski ou à des pierres fines. La paille de seigle est une matière qui apparaît comme simple et cheap, le prix au kilo n’est pas très élevé. Le coût réside dans la main-d’œuvre car la transformation de la paille exige beaucoup de temps et de précision mais aussi dans le laiton plaqué or réalisé en Provence. Le grand public peut avoir des difficultés à percevoir la différence entre des bijoux réellement artisanaux et réalisés à la main en France, car il suffit d’assembler en France des apprêts achetés sur de célèbres sites chinois pour avoir le droit d’indiquer « fait-main » et « fabriqué en France ». Au final, je me suis rendue compte que l’offre en bijoux de fantaisie et haute fantaisie est pléthorique, alors mettre mes efforts dans ce secteur, je me dis que ça ne rime plus à rien, d’autant plus qu’avec le temps, j’ai de plus en plus envie de réaliser de grands objets, de changer de dimensions.

 

 

Cloé : D’ailleurs, où achetez-vous votre paille ?

 

Amélie : En Bourgogne où elle est traditionnellement cultivée. Il ne reste que ce fournisseur en France. Je lui achète de la paille de seigle teintée, naturellement imperméable, brillante et imputrescible. Mon rôle est de sublimer ces fabuleuses propriétés naturelles, acquises au cours de la pousse par absorption de la silice. Le travail de la main est là pour sublimer la matière. Certains marqueteurs ajoutent de la cire d’abeille ou de la cire végétale à la fin de leurs travaux mais de mon point de vue le seul intérêt de cette démarche est d’ajouter une odeur très agréable.

 

Cloé : Y’a-t-il une raison particulière qui explique le choix de la paille de seigle ?

 

Amélie : Elle pousse haut, jusque 2 mètres, voire 2 mètres 20 et elle est plus claire, moins jaune que la paille de blé ce qui facilite la teinture. Chaque brin est différent, l’uni n’existe pas dans la marqueterie de paille. Tout est une histoire de dégradé, de camaïeu. Au Japon cependant, la paille de riz est majoritairement utilisée pour le frisage.

 

Claire : En parlant d’histoire, je crois me souvenir que la marqueterie de paille fut longtemps pratiquée par les bagnards et religieuses.

 

Amélie : Tout à fait juste, dès le XVIIème siècle ! La marqueterie de paille connut cependant son âge d’or pendant la période Arts Déco où elle ne fut pas uniquement utilisée sur les petites boîtes des bagnards et des religieuses mais sur des pièces plus imposantes, des meubles aux pans de murs entiers. Mais ça a toujours été une niche, et je suis convaincue que ça le restera. C’est un métier rare, aujourd’hui nous sommes une vingtaine en France à nous consacrer exclusivement à la marqueterie de paille. Certains ébénistes la pratiquent ponctuellement sans que ce soit leur cœur de métier.

 

 

Cloé : Et alors comment devient-on marqueteuse/marquetrice, je ne sais pas comment on dit ?  Comment apprendre un métier si rare ?

 

Amélie : Il n’existe aucun diplôme ni de formation spécialisée en marqueterie de paille. C’est au mieux un des chapitres du CAP marqueterie. Je préfère marqueteuse à marquetrice, mais les deux se disent ! A la base, j’étais journaliste radio. Lorsque j’ai eu ma fille, j’ai décidé de m’occuper d’elle, je récupérais des meubles pour les retaper quand ils ne me plaisaient pas. J’ai alors décidé de me reconvertir, j’ai intégré un CAP Ebénisterie au GRETA de l’école Boulle. Mais le bois et moi, on ne se comprenait pas aussi bien qu’avec la paille (sourires). Pendant mon CAP ébéniste, j’ai eu la chance de pouvoir faire un module de formation en marqueterie de bois et j’ai adoré. On m’a alors montré un petit panneau en marqueterie de paille réalisé par un élève de l’école, que j’ai trouvé hideux (rires). Quelques semaines plus tard, une collègue du GRETA m’a proposé une petite initiation informelle, je n’étais pas emballée mais j’y suis allée, et ce fut un vrai coup de foudre. C’est donc un atelier découverte de marqueterie de paille à coups de ti-punch chez une amie qui fut la révélation. J’ai touché la matière, et hop j’avais trouvé MON truc. Chaque matière est différente. La paille, tu l’ouvres, ça chante. Et j’avais clairement des facilités avec cette matière, j’ai tout de suite eu le coup de main pour l’apprivoiser.

 

Cloé : Vous vous êtes de suite mise à votre compte ?

 

Amélie : Je voulais faire un stage dans l’un des trois ateliers de marqueterie de paille de Paris actifs à l’époque, mais aucun n’a accepté de m’accueillir car je n’étais plus en formation, ou bien ils n’avaient pas un volume de travail suffisant pour proposer un stage à ce moment-là. Je me suis donc formée toute seule, les week-ends, en plus de travailler au sein d’ateliers de menuiserie la semaine. J’ai ensuite quitté Paris pour le 7ème arrondissement de Marseille où je suis installée depuis septembre 2019, juste avant le Covid. Je louais un atelier à Ici Marseille, un FabLab au nord de la ville, un grand hangar avec des containers dans le 15e arrondissement, mais c’était trop loin, trop bruyant, trop cher, trop froid et sans lumière naturelle. Bref, parfait pour des menuisiers mais pas pour le travail de la paille, qui présente l’avantage d’être silencieux et non salissant, car tout se fait exclusivement à la main, sans aucune machine. Je suis donc arrivé à Make It Marseille rapidement, en janvier 2020. Je viens ici pour faire ce qui est bruyant ou ce qui fait de la poussière, comme la découpe laser de mes supports, pour mes miroirs par exemple, mais aussi pour accueillir les cours. Je fais la marqueterie à domicile : c’est plus pratique pour moi car je vis seule avec ma fille qui est encore petite, ça me permet de travailler plus longtemps et de m’organiser pour garder du temps pour elle. Parfois je rattrape le temps « perdu » dans la journée en bossant jusque 2h. Mais venir à Make It Marseille est important pour moi, c’est chouette de faire partie d’une communauté d’artisans. Ici on a une créatrice qui fait de l’upcycling, deux joaillières, une décoratrice d’intérieur, une encadreuse d’art, un couturier ou encore une restauratrice de mobilier. C’est dur d’être seule à son compte dans son coin. Ici on peut se conseiller mutuellement, on teste nos idées auprès des collègues artisans même s’il ne faut bien sûr pas devenir l’esclave de l’avis des autres non plus.

 

Cloé : Est-ce qu’aujourd’hui vous arrivez à vivre de la marqueterie de paille ?

 

Amélie : Mes revenus sont irréguliers, mais mon chiffre d’affaires est en augmentation constante grâce à une réorientation de ma stratégie de développement, notamment ma décision de ne plus me limiter aux bijoux. Quand on est entrepreneuse, on a 10 000 casquettes, il faut être experte en photo, en com’, en marketing, en compta, en prospection, et ce n’est pas ce qui m’attire le plus. Lorsqu’on est artisan d’art, notre moteur c’est de créer, pas de vendre. Dans ce sens, j’ai décidé de refaire mon site web et de me mettre à la recherche d’un agent pour la partie marketing et prospection. Ce n’est pas évident de trouver LA bonne boutique, de rencontrer des gens pour me conseiller. D’autant que Marseille n’est pas le meilleur endroit pour ça, il n’y a pas une grande culture ou appétence pour l’artisanat d’art ici. J’essaye donc de « m’exporter » vers le Var ou la Côte d’Azur, où il y a déjà un public friand d’artisanat d’art.

 

Cloé : Quelle est votre cible aujourd’hui alors que vous initiez votre repositionnement, vous éloignant de la création de bijoux pour des pièces plus importantes ?

 

Amélie : Je réalise pas mal d’échantillons de matières en ce moment pour démarcher des décorateurs d’intérieur avec une clientèle très haut de gamme.  C’est certes la crise, mais ma cible se porte bien. Ce fut un deuil pour moi mais j’ai fini par comprendre qu’il fallait arrêter de chercher à faire du pas cher, entraînant une rupture dans le discours : ce que je fais est rare, et prend un temps considérable. Pour sublimer la paille, matière brute et rustique, et en faire des objets uniques, rares et luxueux, de nombreuses heures de travail sont nécessaires. Il faut d’abord préparer la paille, brin par brin : fendre et ouvrir le brin, puis l’écraser pour le lisser. On obtient alors des rubans de paille, qu’il va falloir retailler pour pouvoir les coller bord à bord, sans aucune superposition ni aucun interstice. Pour atteindre cette précision chirurgicale, l’ingrédient principal c’est donc bien le temps de travail. A titre d’exemple, Lison de Caunes, qui a remis la marqueterie de paille au goût du jour et même sauvé cette discipline de la disparition, fait de très grandes pièces, du mobilier, mais aussi de grands panneaux muraux. Elle indiquait récemment qu’un mètre carré de marqueterie de paille collée droite – ce qui est le motif le plus rapide à réaliser – représente quatre jours de travail pour une personne, de la préparation de la paille à la finition.

 

Cloé (en pointant l’Invader X Notre-Dame de la Garde du doigt) : Je vois que vous créez également vos motifs : seriez-vous prête à n’être que « la main » ?

 

Amélie : Oui, cela ne me poserait aucun souci de rendre visible les designs de quelqu’un d’autre ou de les cocréer. Mais effectivement, j’aime bien faire des motifs que personne ne fait (rires). J’adore aussi utiliser la marqueterie pour upcycler du mobilier. La paille se marie très bien avec les motifs Art Déco, c’est une esthétique que j’adore, mais j’essaye de me différencier en évitant autant que possible les motifs classiques, et en proposant des designs plus modernes. Je puise notamment mon inspiration dans les esthétiques Bauhaus ou Memphis, ou encore le pixel art – comme avec cette reproduction de la Bonne Mère par InvaderWasHere, qu’il a collée rue des Lices, pas loin de chez moi… Ceci dit, je réalise avec plaisir des motifs plus traditionnels, lorsqu’un client me le demande !

 

Cloé : Et alors, montrez-nous comment ça se passe la marqueterie de paille ?

 

Amélie : Jean-Luc Rodot, notre céréalier, fauche la paille de seigle avant maturation, puis il la fait sécher sur champs, en réalisant des sortes de bouquets verticaux avec les brins. Il ramène ensuite le tout chez lui pour couper la paille entre les nœuds et obtient alors des brins pouvant aller jusque 60 cm. Il met ensuite tout dans une grande cuve d’eau pour teindre les brins à l’aide de teintures textiles, qui est privilégiée parce que les teintures naturelles n’ont pas une aussi grande tenue et résistance sur la durée.

 

(Les brins colorés nous sont présentés, alors qu’Amélie s’apprête à nous faire une démonstration de marqueterie sur un miroir, nous mettant des étoiles plein les yeux)

 

Pour la marqueterie, j’utilise des ciseaux, des pinceaux, de la colle à bois vinylique et des bistouris de chirurgie : il y a une lame pour gratter, une pour les arrondis, une pour les lignes droites associé à une règle. Un outil en forme de dirigeable permet de fendre la paille (délicieux chant parvenant à nos oreilles), de l’ouvrir pour finalement l’écraser. Cette étape est la plus importante, elle permet de déplacer la fibre au même niveau et de révéler la brillance de la matière.

 

Cloé : On dirait du bolduc !

 

Amélie : Effectivement, lorsqu’on écrase le brin, il commence à s’enrouler exactement comme du bolduc ! C’est le signe qu’on a bien écrasé la fibre, ce qui va révéler toute la brillance de la paille de seigle. La difficulté de la marqueterie, de paille, c’est de coller bord à bord. Il ne faut pas de superposition, or bien sûr, les brins ne sont pas droits. Redresser dans le jargon, c’est couper pour emboîter le brin suivant. Ah et il faut environ 400g de paille pour 1m2 de marqueterie pour un motif simple, en sachant qu’1 kg de paille avoisine les 100 €. Tout n’est donc vraiment qu’une question de main d’œuvre.

 

Et ces mains, nous les observâmes, enchantées de voir la paille s’articuler et révéler sa brillance sous nos yeux ébahis.

 

Crédits photos et vidéos : Claire Bonnem & Cloé Assire