Le Théâtre de la Ville accueille en son site des Abbesses le nouveau spectacle d’Émilie Anna Maillet, créé en 2024 à Grenoble. Une pièce sur l’adolescence qui peine à renouveler ce qui est devenu un genre théâtral à part entière.
Une fête d’adolescent·es avec ses rapprochements, son alcool et ses vidéos prises « en soum-soum » : tel est le point de départ du spectacle d’Émilie Anna Maillet présenté au Théâtre de la Ville – Les Abbesses. Avec, bien entendu, comme fil dramaturgique principal, ces vidéos clandestines, qui échappent à leur auteur, créent des rumeurs et recomposent les amours et les amitiés. La vie adolescente, semble nous dire ce spectacle, est entièrement déterminée par les téléphones portables et les réseaux sociaux.
Un tel présupposé ne relève pas franchement, on en conviendra, de la découverte. Le choix de la metteuse est de sortir cette omniprésence de TikTok et Instagram de sa seule dimension thématique pour en faire l’élément central de ses dispositifs spectaculaire et scénographique : le public est appelé, au début de la pièce, à cliquer sur un QR code pour suivre en direct les confidences numériques de l’un des personnages, avant que l’ensemble du plateau ne soit recouvert d’écrans et de tulles multiples sur lesquels sont projetés, dans une esthétique empruntée au jeu vidéo, les fils d’actualité des ados. Ce choix scénographique n’est toutefois, lui non plus, pas très original, comme en témoigne le précédent _jeanne_dark_ de Marion Siefert en 2020.
Autre point incontournable des spectacles sur l’adolescence contemporaine : la volonté des adultes qui les créent de montrer qu’ils et elles maîtrisent la sacro-sainte langue des jeunes. Mais, à trop vouloir user des termes chéris par les ados d’aujourd’hui, on risque fort d’en faire un usage excessif, dans lequel aucun·e lycéen·e ne se retrouverait. To like or not n’échappe pas à la règle : les dialogues perdent en justesse ce qu’ils gagnent en monstration de virtuosité argotique.
Cette surabondance d’images et de « parler-jeune » crée une saturation qui fait perdre au public le fil dramaturgique. On l’aura compris, les ados s’embrassent, couchent ensemble, se déchirent, se harcèlent et se réconcilient. Est-ce vraiment le propre de la jeunesse d’aujourd’hui ? La violence scolaire a-t-elle attendu les réseaux sociaux pour s’exprimer ? Le spectacle d’Émilie Anna Maillet brasse beaucoup de choses, trop de choses, sans en proposer rien de neuf, à part peut-être la lassitude du public, vite perdu. L’installation immersive précédant le spectacle, Crari or not, qui invite les spectateurs et spectatrices à se coiffer d’un casque de réalité virtuelle pour vivre la fameuse fête à l’origine de toutes ces dissensions souffre des mêmes écueils. Certes, le public aura vécu la soirée à travers les yeux et les oreilles de l’un·e des ados, mais n’y aura rien appris qu’iel ne savait déjà.
To like or not, Émilie Anna Maillet, Théâtre de la Ville – Les Abbesses jusqu’au 15 février.
Visuel : © Pascale Cholette