Sylvain Maurice propose une belle mise en scène de la pièce d’Ibsen.
Rita et Alfred ont un enfant, Eyolf, handicapé. Celui-ci est à surveiller de près et accapare au goût de Rita bien trop l’attention de son époux. Quand l’enfant se noie dans le fjord qui jouxte leur maison, Rita et Alfred oscillent alors entre culpabilité et accusation à l’encontre de l’autre. Au point que leur couple semble devoir imploser.
Le texte d’Ibsen (traduit ici par Michel Vittoz), qui fait dans le premier acte une belle part à l’humour avant de nous embarquer dans un univers plus sombre, s’entend ici à présenter des images fortes, qui marquent le public, comme la béquille de l’enfant qui flotte dans l’eau ou son corps immobile, les yeux grands ouverts.
Le jeu de Sophie Rodrigues et de David Clavel participe, par sa sobriété, à rendre visibles ses images. En face l’un de l’autre ou face public, iels se jettent au visage des anathèmes avec un calme apparent qui rend ces imprécations d’autant plus violentes.
A cette simplicité du jeu, répond celle de la scénographie : le plateau est recouvert d’un sol miroitant évoquant dès le début de la pièce, le fjord dans lequel Eyolf se noiera ; alors que les quelques éléments de mobilier représentant un intérieur bourgeois disparaitront au profit d’une jetée dirigée vers le public, emmené avec les personnages dans cette eau fatale.
Le jeu des couleurs scande l’évolution de la pièce et crée un univers de plus en plus oppressant. La bonne humeur du début est représentée par les blancs costumes des parents, lesquels contrastent d’emblée avec les vêtements du Petit Eyolf, inspirés sans nul doute du Fifre de Manet : en l’habillant avec des costumes de soldat, la costumière Olga Karpinsky annonce dès le début sa fin tragique. De façon signifiante, les costumes des autres personnages ternissent tout au long de la pièces, comme happés par celui d’Eyolf.
La création lumière de Rodolphe Martin – qui avait déjà travaillé sur Arcadie – marque également la progression de l’action, avec un écran de fond de scène dont les couleurs varient au gré de la fable. Au blanc initial succèdent ainsi le bleu, le vert, puis un orange de petit matin qui accompagne la révélation d’un secret caché.
La mise en scène de Sylvain Maurice rend ainsi les émotions des personnages par petites touches signifiantes et efficaces.
Petit Eyolf d’Henrik Ibsen – mis en scène par Sylvain Maurice au Théâtre des Quartiers d’Ivry – CDN Val-de-Marne – Manufacture des Œillets – du 8 au 16 mars.
Visuel : Christophe Raynaud de Lage