Deux ans après sa mise en lecture, le Théâtre Ouvert offre à la poétesse Sonia Chiambretto l’opportunité de présenter Oasis Love dans sa version mise en scène.
En 2021, nous découvrions Polices !/Tu m’loves, où Sonia Chiambretto nous mettait face à l’histoire perpétuelle des violences policières à l’aide d’une langue balancée au couperet. Bien en amont, en 2015, Polices ! est un spectacle de Rachid Ouramdane où les mots de celle qui est également dramaturge accompagnent et soulignent la chorégraphie. Aujourd’hui, le spectacle se nomme Oasis Love. Il nous installe dans un quartier, avec ses barres d’immeuble, sa dalle, ses lampadaires basiques et … un palmier. C’est dans ce lieu qu’un groupe d’ami.es évolue : Théo Askolovitch, Sonia Chiambretto, Lawrence Davis, Déborah Dozoul, Émile-Samory Fofana, Felipe Fonseca Nobre, Julien Masson parlent des filles qui sont toutes « des putes », celles qu’il ne faut pas toucher car elles sont toujours la soeur de quelqu’un qu’on connaît. Toute la première partie de la pièce pose avec une langue juste la question de la misogynie. On avoue, on serait bien resté.e là à les écouter, elles, se défendre en vraies boxeuses et eux en train de se déconstruire peu à peu. Mais dans une transition bancale, la pièce se recentre uniquement sur les violences policières et n’arrive pas à relier les deux thèmes qu’elle souhaite aborder : l’amour et la police.
Alors que la première partie nous fait sourire à coup de punchlines très bien amenées sur la condition des filles dans les quartiers, la pièce fait surgir un temps de lecture qui sort totalement les comedien.n.es de leur jeu. Le propos est extrêmement juste, il condamne l’histoire des violences policières du XXe siècle à nos jours. Sonia Chambretto met sur le même plan les violences décidées par l’État (la rafle du Vel’d’Hiv le 16 juillet 1942, le massacre des Algériens le 17 octobre 1961), le mouvement Black Lives Matter et les assassinats orchestrés par des policiers seuls. C’était le cœur de la lecture proposée en 2021. La volonté est de dire que la police tue de façon permanente et à tous les niveaux de pouvoir, partout.
Oasis Love nous installe avec justesse dans les questions propres aux quartiers dits prioritaires. Les comédien.nes campent les victimes comme les flics. Ils et elles passent de l’un à l’autre de manière un peu trop artificielle. Les bonnes idées fusent comme ce chœur qui scande tel un gyrophare «PA.PON, PA.PON», mais le tempo de la pièce et ses transitions sont maladroites, particulièrement l’image de fin, qui, sans la déflorer, donne artificiellement du pouvoir aux opprimé.es en les habillant comme dans une campagne de pub de fringues. Paradoxalement, la mise en scène écrase le texte, brillant, de Sonia Chambretto. Les bavures et les émeutes, le « juste » et le « pas juste » sont avalés par des effets de jeu.
Pour lire Sonia Chiambretto : POLICES ! (L’Arche Éditeur, 2020) & Tu m’loves ? (Éditions Filigranes, 2021, sur un projet photographique de Marion Poussier).
Oasis Love : du 18 au 30 septembre au Théâtre Ouvert dans le cadre du Festival d’automne
Visuel : ©Christophe Raynaud de Lage