Guilda Chahverdi adapte à l’invitation des Théâtrales Charles Dullin le film Ten, de Abbas Kiarostami.
Mania, qui a divorcé du père de son fils Amin, s’est remariée. Une situation que lui reproche Amin, qui estime qu’elle se comporte comme une mauvaise mère. Mais Mania, déterminée à défendre son indépendance et sa liberté, ne s’en laisse pas conter. Pour l’heure, elle sillonne le quartier en voiture, embarquant au passage sa sœur et son fils, des passantes et des amies. L’automobile se transforme alors en espace de sociabilité, où les un.es et les autres échangent sur leurs espoirs, leurs inquiétudes et leur quotidien.
Ce dispositif est celui du film Ten, de Abbas Kiarostami, que Guilda Chahverdi adapte à la scène. Elle a toutefois l’idée de s’émanciper du modèle cinématographique pour proposer une œuvre singulière.
Les chaises qui jouent les sièges de voiture sont ainsi douées d’une mobilité peu commune : les « passagers » et « passagères » les déplacent, se lèvent et font les cent pas, faisant fi de la clôture de l’objet. Si le son reproduit les klaxons de la route, le plateau se libère donc de tout rapport au voyage-prétexte, l’essentiel étant les propos des personnages. Disputes, confidences et consolations, toutes ces paroles créent un univers où les femmes cherchent, chacune à leur manière, les moyens de vivre leur vie comme elles l’entendent.
Toutefois, le cinéma n’est pas absent de la scénographie : comme un hommage au genre de sa source, Guilda Chahverdi a fait recouvrir un pan de la scène d’une toile presque opaque, sur laquelle sont projetés les surtitrages permettant des comprendre les dialogues – intégralement en persan. Il y a là un décalage amusant, à transformer ce support d’images en écran de mots. Jouant par instants la transparence, la toile devient tulle, créant derrière lui un espace hybride, entre hors-champ et en-champ.
C’est ce jeu avec le médium source qui rend la proposition de Guilda Chahverdi intéressante. On regrette toutefois quelques longueurs, notamment au début, alors que le spectacle n’a nul besoin d’une exposition aussi longue pour que l’on en comprenne les enjeux. De même, l’écart régulier entre texte dit et texte projeté fait par instants perdre le rythme à la pièce et à son public. Ten n’en reste pas moins un beau spectacle.