Marc Blanchet lui-même nous accueille, nous invite à nous installer et à « libérer notre parole » dans le bain musical qu’il orchestre avec l’ingénieur-son Tristan, comme l’ivresse d’un moment suspendu, entre lui et nous. Bientôt, les anecdotes de la vraie vie du poète fuseront, et avec elles nos émotions, les rires et les larmes.
Marc Blanchet est avec nous, derrière nous, dans le public qu’il va appréhender. Il scrute nos visages, nos regards et nos réactions, avant d’auto-analyser son propre plateau : « l’antre du poète », le bureau de bois, les livres en pile et surtout, les « tapis aussi moelleux que les fauteuils » dans lesquels nous étions si bien, nous laissant tromper par sa fausse improvisation. L’art de Marc Blanchet est peut-être bien là, une sincérité qui touche en plein cœur, un humour aussi surprenant que fin et spirituel et une vie bercée par la poésie.
Oui, Marc Blanchet, avant d’écrire, est un lecteur invétéré. D’un pays à l’autre et d’un continent à l’autre, il jongle avec les auteurs qui ont pris racine en lui et qui ont fait de lui le poète qu’il est devenu. Il partage avec nous cette soif de lecture, une occasion pour nous de s’ouvrir au monde et aux mots, nous donnant envie de lire et de relire cette langue que l’on ne connaît que trop peu : la poésie. Cette langue, c’est son professeur de français qui l’y a initié, avant qu’il ne se plonge de son propre grès dans Le Mont Analogue.
Tout part de ce recueil inachevé de René Daumal, lu à Saint-Tropez l’été de ses 18 ans, sous une tente orange. S’il ne pouvait finir cet ouvrage de génie, il pouvait créer autre chose, et c’est à la poésie qu’il s’accrocha et se raccrocha, enchaînant des petits boulots pour vivre, car, malheureusement, on ne peut vivre de ses poèmes. Il nous l’explique avec malice, tableau et pourcentages à l’appui, détaillant les parts que chacun prélève sur la fabrication de ses idées. Dans la panoplie des travaux exercés, il fut un temps journaliste dans le Berri, où il dû couvrir un lancé de pépin de melon… drôle d’idée qui rendait impossible la rédaction de son article, tant il trouverait cela idiot. Son collègue, n’ayant rien vu de l’événement, se mit à écrire… Première leçon d’écriture poétique : pour être poète, il faut être ouvert à toute chose. À partir de là, rien ne comptait plus que l’écriture, parfois un peu trop solitaire, rencontrant toutefois des poètes inspirants qui ont donné un sens à sa vie, mais découvrant également la mort à travers eux.
Entre toutes ses anecdotes, ce charmant écrivain-photographe, nous glisse quelques conseils appris au cours de sa vie, dont celui qu’il a reçu d’un maître en écriture : toujours aller au bout de ses obsessions. Une injonction qui résonne comme un appel à créer, à explorer, à ne jamais s’arrêter.
La scène finale est d’une beauté saisissante, le poète dialogue avec l’ouvrage de son adolescence, Le Mont Analogue.
© Maxime Dos
Mêlant performance, danse, humour, récit de vie et passion littéraire, Une vraie vie de poète est un spectacle riche et inspirant, qui donne envie de lire, d’écrire et de se laisser absorber et engloutir dans le langage, ce territoire insaisissable où la poésie demeure reine.
Visuel : © Maxime Dos