A l’occasion de la dixième édition de son festival FOCUS, le Théâtre Ouvert propose une nouvelle mise en voix de L’Odeur des tissus, un très beau texte de Lydie Tamisier qui aborde les questions de communauté et de joies avec sensibilité et délicatesse.
Dans L’odeur des tissus, un lieu de retraite spirituelle pour femmes se fait le théâtre d’une réflexion sur les notions de communauté, de bienveillance et de recherche de la joie. Guidées par la directrice du centre, sept résidentes partent en exploration d’elles-mêmes dans une volonté de reconstruction ou de réparation.
En suivant le cadre déterminé par la directrice, elles s’essaient à l’art du jardinage, à la copie de tableaux, à la discussion et à la pensée commune. Mais de ce cadre complaisant et empathique, propice à l’épanouissement, ressort également un on ne sait quoi de gênant, de bizarre. C’est beau, triste et drôle à la fois.
Lydie Tamisier écrit des dialogues naturels, au plus proche de la réalité. Mais le langage de l’ordinaire n’empêche pas la poésie et permet de révéler les phrases du quotidien en les offrant à la bouche de personnages touchants.
Pour l’écriture de la pièce, l’autrice s’est inspirée du film Les Onze Fioretti de François d’Assise de Rossellini. A la vie de la communauté de moines réunis autour de Saint-François d’Assise se substitue alors la vie de cette communauté de femmes réunies autour de Claudia, la directrice du centre. De ce film, Lydie Tamisier garde un brin d’ironie et un soupçon de comique.
Face à ces personnages attendrissants, qui évitent le conflit avec une politesse démesurée, nous admirons la difficulté de la maîtrise de l’harmonie au sein de la communauté.
En sept épisodes, la vie de ces femmes s’élabore devant nos yeux. On en apprend peu sur leur passé mais assez pour se concentrer sur ce qu’elles sont et ce qu’elles vivent aujourd’hui. Par leurs discussions, on comprend que la retraite leur offre le temps d’admirer les petites choses. L’apparemment insignifiant devient alors le fondement de leur joie, il procure du plaisir et de la douceur. Mais dans ces petites joies accumulées, quelque chose d’un peu idiot nait.
Dans l’avant-dernière scène, le long discours de Sorana, résidente au centre, pointe avec profondeur et par un flou clairvoyant le questionnement lié au sentiment qu’est la joie. Et si la joie nécessitait finalement quelque chose d’un peu idiot ? Et s’il fallait abandonner la réflexion pour se sentir mieux, pour voir la beauté, respirer la joie ?
Après plusieurs mois au centre, Sorana a l’impression d’avoir perdu quelque chose : « Comme si ma pensée s’arrêtait au sentiment, à… aux impressions… mais que je ne pouvais plus vraiment comprendre, ou exprimer… ».
En travaillant sur des choses qui nous sont communes, sur l’ordinaire, Lydie Tamisier ouvre avec simplicité un chemin de pensée vers ce qu’on ne voit pas, « ce qui n’est pas là ».
Hier, au Théâtre Ouvert, la mise en voix du texte, dirigée par Marion Duphil, a ajouté du relief à la beauté et la douceur de l’écriture de l’autrice. La simplicité de la mise en espace et le formidable jeu des comédiennes ont donné une voix aux personnages, venant affirmer la beauté du texte de Lydie Tamisier.
Texte Lydie Tamisier(ed. TAPUSCRIT | Théâtre Ouvert)
Mise en voix Marion Duphil
Avec Fatima Aïbout, Claire Wauthion, Julie Bertin, Machita Daly, Andréa El Azan, Jade Herbulot, Pauline Mereuze, Thalia Otmantelba, Prunella Rivière, Louise Roch, Gisèle Torterolo
Dramaturgie Adèle Chaniolleau
Scénographie Lisa Navarro
Costumes Marie La Rocca
Lumière Juliette Besançon
Son Guillaume Callier
Visuel : ©DR