Nous nous faisions une joie immense de retrouver du théâtre dans la salle mythique du Théâtre de la Ville-Sarah Bernhard. D’alléchante, l’affiche n’avait que le nom et sa distribution. Après la répétition/Persona assèche les deux chefs d’oeuvre d’Ingmar Bergman dans une direction de comédien.es en surjeu caricaturale permanente.
Ivo Van Hove convoque donc deux textes, deux scenarii qui ont en commun le nom et quelques éléments d’histoires des personnages. Dans sa chronologie, La Répétition, qui ouvre le bal, semble se dérouler après Persona. La répétition nous place dans la mise en abîme du théâtre, Il est question d’une représentation d’un Songe annulée, et donc remplacée par une répétition. L’occasion pour le metteur en scène de proposer à ses deux comédiennes une répétition, qui deviendra une bien barbante séance de réflexion sans âme ni envie sur les oppositions entre la fiction du théâtre et la réalité de la vie. Le décor est une boite grise très pleine. Ici un canapé, des sièges, un bureau, une console de mixage, une caméra, un écran et une porte qui peut s’ouvrir. Charles Berling est le metteur en scène qui cherche à convaincre une jeune femme «qui a l’âge de sa fille», «23 ans et trois mois», de ne pas arrêter de jouer. Justine Bachelet est celle qui sauve les deux pièces du naufrage. Elle est la seule à justement, ne pas jouer, à livrer ses tripes pour de vrai quand Berling et Emmanuelle Bercot s’emmêlent dans un jeu convenu, aux codes empruntés au théâtre privé. Leurs échanges sont vains et peu crédibles. Il et elles récitent leur texte en y collant des émotions factices. Emmanuelle Bercot n’est pas crédible en «hystérique», Berling l’est encore moins en victime de ses passions. Le jeu reste à plat, contenu dans cette boite où normalement il et elle devraient se déchirer comme des lions en cage. On comprend les intentions pertinentes d’ Ivo van Hove qui, par ce décor volontairement étroit, cherche à emprisonner son acteur et ses actrices. Mais cela ne prend pas.
L’ennui nous quitte un peu pour la seconde partie. L’histoire de Persona est un peu plus épaisse, et elle commence par une scénographie plus dépouillée. Plus radicale. Emmanuelle Bercot est internée, elle est nue et mutique, son corps semble mort, pris dans ses os. Une infirmière en chef, Elizabeth Mazev qui malheureusement ne fait que passer, demande à une jeune consoeur de s’occuper de cette patiente particulière et de l’emmener au bord de la mer. On retrouve Justine Bachelet, parfaite. Elle parle, et on l’écoute, passionnément, nous dire ses secrets, ses amours interdits. On l’observe en habile soignante. Puis, les choses déraillent. La scénographie semble être une parodie du travail d’Ivo van Hove. Que s’est-il passé ? Lui qui cultivait un noir profond dans le brillant De Dingen die voorbijgnaan présenté au Festival d’Avignon 2018, puis l’apocalyptique The Hidden Force, en 2019, sans parler de ses Damnés pour toujours violents, ou de son vengeur Electre/Oreste, à la Comédie Française. Il y a clairement un problème double dans ce spectacle, à la fois de direction d’acteurs et d’actrices et un manque de dramaturgie évident. L’ensemble, vide de modernité ne laisse aucune trace sur son passage.
Visuel : © VINCENT BÉRENGER – CHATEAUVALLON-LIBERTÉ-SCÈNE NATIONALE