En cette année où le sport, à Paris, est roi, Cédric Orain rend à l’activité physique ses dimensions intellectuelles et spectaculaires. Une réflexion en actes qui balaie nos clichés.
C’est aux outsiders que Corps premiers s’intéresse au premier chef. Celles et ceux que l’on donnait perdant.es sinon incapables de toute performance sportive. Un peu, bien sûr, de Raymond Poulidor, « l’éternel second », mais aussi de Richard Fosbery, inventeur du saut du même nom, de Colette Besson, qui, contre toute prédiction, excella aux Jeux olympiques de Mexico, ou de Kathryn Zwitzer, première marathonienne. A chaque fois, ce que Cédric Orain, ingénieur de formation, donne à voir, c’est la façon dont ces exploits réputés impossibles ont révolutionné la science
Pour mettre en scène ces victoires légendaires, le metteur en scène a besoin de peu d’accessoires. Ses interprètes Claude Degliame, Aurora Dini et Maxime Guyon disent, plus qu’iels ne jouent, l’histoire de ces champion.nes que l’on pensait amateur.rices. La place du récit, au cœur du dispositif dramaturgique, offre un saisissant contraste avec la dimension spectaculaire du sport contemporain, fait de chronos et de caméras.
Le travail sur les tons de bleu, le jeu sur un tapis de gym aux allures d’estrade figurent cette importance de la représentation dans les jeux des XXe et XXIe siècles. Surtout, les mouvements et postures de la circassienne Aurora Dini, qui nous parle assise sur un cerceau suspendu, font image de cette dimension qui unit sport et arts de la scène.
Après Enfants sauvages et S comme sport, Cédric Orain continue donc son exploration du corps et de l’activité physique sous tous ses états. Un voyage sous le signe de l’humour, où les exploits des un.es s’oppose à la paresse – volontaire – des autres. Pourquoi faire du sport ? Que fait-il à notre corps ? Autant de questions que pose ce joli spectacle.
Corps premiers, texte, mise en scène Cédric Orain. Avec Claude Degliame, Aurora Dini et Maxime Guyon. Jusqu’au 27 avril à l’Échangeur de Bagnolet.
Visuel : ©Christophe Raynaud de Lage