Maldonne à l’affiche du Centquatre du 15 au 17 avril est tout simplement et brutalement bouleversant : dans une déclinaison de mouvements et de tissus, les cinq femmes offrent une performance hypnotisante de puissances et de beautés. En près d’une heure, ce groupe de femmes, porté par la chorégraphe et interprète Leïla Ka, incarne, désincarne et transcende la condition féminine.
La salle est plongée dans un noir total. Pendant quelques secondes, rien. Puis une respiration, ou plutôt un ensemble de respirations saccadées.
Combien sont-elles à suffoquer ?
Les projecteurs s’allument et éclairent le plateau d’une lumière blanche, froide. Cinq femmes en robes à fleurs sont alignées, debout, le regard au sol. Immobiles, elles s’animent au rythme d’une chorégraphie soufflée. La respiration fait battre ces corps qui n’en forment qu’un. Presque pleurée, la respiration vient animer le haut du c
orps dans une forme de suffocation qui provoque des mouvements de bras et de mains. Les mouvements, qui essuient des larmes invisibles, sont puissants et se font écho dans les corps de chacune. Et si la bande son organique s’arrête, le haut du corps continue sa chorégraphie vive et répétitive. Le silence alors résonne et nous laisse face à cette douleur désormais incarnée, mais assourdissante d’absence de son. La minutie de la chorégraphie est impressionnante, et se déploie entre sons, silences et chutes. Puisque ces femmes chutent, l’une, puis l’autre, pour se relever, et retomber, et se relever encore.
La dimension politique et intime de cette performance inclassable, mais surtout indescriptible, nous offre un écrin de beauté, de puissance et de fragilité.
En moins d’une heure, Jennifer Dubreuil Houthemann, Jane Fournier Dumet, Leïla Ka, Zoé Lakhnati et Jade Logmo se métamorphosent et parlent de leurs mains, de leurs pieds, de leurs cris et de leurs souffles. Si elles ne sont que cinq, au plateau, c’est toute la condition féminine qui se dessine et prend corps devant nos yeux dans un tourbillon de tableaux plus fort les uns que les autres.
Et ce, notamment grâce à la puissance esthétique de quarante robes portées, jetées, incarnées et jouées sur scène. En effet, les danseuses ne cessent de se transformer dans un mélange de tissus soyeux, aux motifs fleuris, animaux ou immaculés. Ces robes, toutes trouvées au fur et à mesure de la création du spectacle, portent des noms, mais surtout des histoires. Chinées, donc déjà portées, elles sont des personnages à elles-seules et rayonnent sur les corps des performeuses, mais aussi dans les airs ou au sol.
Ainsi, après être revenue plusieurs fois, acclamée en triomphe de plusieurs minutes, la troupe part, laissant cette nuée de femmes, incarnées et désincarnées par ces robes, qui jonchent soyeusement et silencieusement le plateau vide.
Après près d’une heure où chaque mouvement, chaque souffle nous a cueilli.e.s aux tripes, Maldonne nous laisse le souffle coupé, les larmes au bord des yeux et la puissance de la sororité, de la féminité au cœur et au corps. En sortant, les émotions et les gestes résonnent encore longtemps en nous, provoquant une seule envie : celle d’y retourner, encore et encore, pour voir, sentir et se laisser emporter dans le tourbillon de ce jeu de corps où elles rebattent les cartes avec brio.
visuel :©Nora Houguenade
chorégraphie : Leïla Ka
assistante chorégraphie : Jane Fournier Dumet
interprètes : Jennifer Dubreuil Houthemann, Jane Fournier Dumet, Leïla Ka, Zoé Lakhnati, Jade Logmo
création lumière : Laurent Fallot
régie lumière : Laurent Fallot ou Clara Coll Bigot
dates à venir :
23.04.2025, Le Théâtre – Centre National de la Marionnette, Laval
25.04.2025, Théâtre Le Rive Gauche, Saint-Étienne-du-Rouvray
26.04.2025, DSN – Scène nationale, Dieppe
29.04.2025, Le Théâtre – Scène nationale, Saint-Nazaire
23.05.2025, L’Équinoxe – Scène nationale, Châteauroux