Bob Wilson explore les personae de Pessoa dans Pessoa. Since I’ve been me. Où l’on retrouve plus l’atmosphère du metteur en scène que celle du poète.
De Pessoa, on connaît ses vers, mais aussi ses multiples hétéronymes, auxquels il délègue divers traits de sa personnalité. Plus que le talent poétique de l’auteur portugais, c’est ce jeu avec cet autre « Moi » qui intéresse le metteur en scène américain.
Certes, des vers sont dits et redits – la répétition étant l’un des stylèmes récurrents de ce spectacle – , le rapport à la mort, à l’amour, à Dieu ou à la nature est présent, mais ces paroles valent davantage comme jeux avec les différents masques d’un même soi que pour elles-mêmes.
Ce travail sur l’éclatement du sujet poétique repose avant tout sur l’éclatement de la distribution, avec sept acteur·rices qui viennent figurer les différents avatars du poète. Sept acteur·rices et quatre langues différentes, comme autant de vecteurs, parfois malicieux, souvent ludiques, de cette personnalité morcelée.
Toutefois, ce jeu avec les hétéronymes de Pessoa semble plus un prétexte à créer ces beaux tableaux qu’affectionne Bob Wilson qu’un véritable travail pour s’approprier la poésie de l’écrivain. Une beauté formelle, propre et, selon l’expression consacrée, « léchée », mais qui reste un peu vaine.
L’imposante création lumière, millimétrée, la création sonore omniprésente, et même l’ostentation volontaire de la théâtralité, tout cela est très réussi, mais tout cela ne permet pas pour autant de donner à cette œuvre un aspect singulier. Avec Pessoa. Since I’ve been me, Bob Wilson fait du Bob Wilson. Et rien d’autre.
Pessoa. Since I’ve been me, jusqu’au 16 novembre au Théâtre de la Ville.
Visuel : ©Lucie Jansch