Julie Delille est directrice du Théâtre du Peuple depuis octobre 2023. Cet été, elle présente Le conte d’hiver de Shakespeare dans l’écrin vert de Bussang. Rencontre.
Mon premier souvenir en rêve est très ancien, il y a plus de 20 ans lorsque j’étais élève au conservatoire du Mans, notre professeur nous avait parlé de ce théâtre, et mon imagination galopante avait fait le reste. J’en ai rêvé, je crois régulièrement pendant toutes ces années sans jamais y aller. En présence, la rencontre est récente, c’était lors de ma première venue il y a 3 ans, en tant que spectatrice, j’ai découvert une sorte de cabane, très loin de ce que j’avais imaginé, et à l’intérieur une cathédrale puissante, et quand les portes s’ouvrent, c’est indescriptible… Je ressens très fortement cette émulation de la Ruche qui s’est remplie et réveillée petit à petit, cette joie très forte à l’idée d’accueillir toutes ces personnes, et cette gentille pression de vouloir le faire au mieux, au plus juste, pour chacun·e.
Il faut avoir un esprit taquin ! Un conte d’hiver à l’époque de Shakespeare, c’est une histoire difficile à croire et je trouve que cela colle bien à un lieu comme celui du Théâtre du Peuple.
Je dirais comme notion directrice ! Cela vient en partie du travail de Hartmut Rosa , philosophe, qui dans son livre du même nom nous invite à réfléchir à notre manière d’entrer en résonance avec le monde… mais aussi de l’expérience que l’on peut faire en relation avec le lieu, cela regroupe également quelque chose qui a trait à l’art du théâtre.
Cela veut dire que la poésie est reliée aux sens, et que comme écrivait Paul Valéry il y a plus de 80 ans dans le bilan de l’intelligence les seuils de notre sensibilité se rehaussent, un des combats que peuvent mener les artistes, c’est de faire en sorte de remettre la relation vivante et fine au centre de nos vies, c’est pour cela qu’ils et elles sont indispensables à nos sociétés.
Bussang est un lieu de convivialité et de lien, c’est très important et c’est au cœur du projet pottecherien. Qui est le public ? je répondrai plutôt qui sont les personnes qui le constituent, car il n’y a pas de « masse public » mais des individus humains et même des entités, c’est tout celleux qui traversent, s’assoient, rêvent au lieu, y rentrent ou n’y rentrent pas…
Avec les habitant·es du territoire, nous avons commencé à nous réunir pour imaginer cette célébration, nous nous sommes interrogé·es sur nos envies, nos besoins et notre envie de faire du commun dans ce moment unique à venir. On est sur le pont, on ne sait pas encore où le bateau ira, mais ce qui est sûr c’est qu’on sera tous et toutes à bord !
Jusqu’au 31 août au Théâtre du Peuple à Bussang
Visuel : Le Conte d’Hiver ©Jean Louis Fernandez