La Maison de la poésie accueillait hier, pour une date unique, une lecture musicale chic et intense. En trio au lien parfait, l’auteur Éric Reinhardt, la comédienne Julia Faure et la pianiste Vanessa Wagner nous ont livré un choix d’extraits de Sarah, Susanne et l’écrivain.
Sarah, Susanne et l’écrivain est le dernier roman d’Eric Reinhardt. À l’heure à laquelle nous écrivons, il fait partie des huit finalistes au prix Goncourt. Mais hier soir, point de compétition. Quand la lecture commence, Vanessa Wagner est seule en scène, impériale en veste noire à sequins et magnifiques escarpins, assise au piano. Elle joue et le drame est là. Sa musique seule dit déjà toute l’histoire, une histoire – comme toujours chez Reinhardt – où l’intime et le sublime dansent ensemble sans clinquant. L’histoire qui va être d’abord écoutée, puis lue, presque mise en espace, est celle de Sarah, ou de Susanne, l’une est réelle, l’autre est un personnage de roman. D’un côté, Sarah, qui serait vraie et aurait valeur de témoignage. Elle est mère de deux enfants, venue trouver l’écrivain pour conter son incroyable destin. De l’autre, Susanne, qui incarne l’histoire romancée de la vie de Sarah.
La voix limpide d’Eric Reinhardt fait corps commun avec les mains de Vanessa Wagner qui courent sur le piano comme un film qui se déroule de façon inextricable. Julia Faure arrive, elle flotte sur scène, elle a une allure XIXe, comme si elle sortait d’un tableau. Elle est toutes les héroïnes des précédents romans du célèbre écrivain. Elle est toutes ces femmes qui un jour décident de « faire un choix décisif », quelles qu’en soient les conséquences.
Et donc, en trois temps, tous augmentés par la musique, il et elles racontent cette vie schizophrène, dédoublée entre deux identités. La lecture commence par le début du roman. Susanne est en rémission de son cancer, elle veut donner un sens à sa vie, il y a urgence. Elle se jette trois jours entiers dans le Louvre à la recherche de beauté et réalise, bien qu’elle soit très heureuse avec son mari, qu’elle ne supporte plus la routine de sa vie. Cela ne lui suffit plus, c’est insupportable. Alors, elle l’invite à dîner et lui annonce qu’elle décide d’aller vivre ailleurs pour quelque temps afin de faire réagir son époux. Évidemment, cette quête de liberté aura le goût de la violence.
En une heure d’un spectacle qui impose une écoute totale, nous sommes happés par les choix de cette/ces femme/s. À quoi pouvait-elle s’attendre ? Pourquoi ne rentre-t-elle pas, finalement ? Le procédé fonctionne à merveille, nous voilà concernés par ces héroïnes bicéphales, humaines, si humaines.
En attendant de retrouver cette lecture ailleurs, vous pouvez toujours vous procurer Sarah, Susanne et l’écrivain en librairies, et écouter le dernier album de Vanessa Wagner, Study of the Invisible.
Visuel : © ABN