Après avoir marqué Broadway et raflé six Tony Awards et un Grammy, Dear Evan Hansen arrive pour la première fois en France, au Théâtre de la Madeleine, sous le titre Cher Evan Hansen. Attendue depuis des années, cette adaptation en français se confronte au défi de faire vivre un phénomène de société qui interroge l’adolescence, la santé mentale et la place des réseaux sociaux dans nos vies.
Olivier Solivérès signe une mise en scène volontairement sobre et froide, dominée par les écrans et les projections. Ce dispositif scénique, parfois glaçant, met en lumière la solitude des protagonistes et l’emprise des réseaux sociaux, qui deviennent à la fois refuges et espace d’exposition permanente.
L’adaptation des chansons, confiée à Hoshi, réussit à préserver la musicalité de l’Anglais tout en trouvant une résonance nouvelle en français. Certaines phrases frappent par leur justesse. Quand Alana affirme « Plus c’est privé, mieux c’est », la salle retient son souffle face à cette vision d’une intimité réduite à une donnée numérique. La pièce sait aussi manier l’humour, comme avec la réplique récurrente sur la « connaissance proche », une façon fine de dénoncer la superficialité des relations parasociales à l’ère digitale.
La partition est exigeante et l’amplitude vocale demandée met certains interprètes à l’épreuve. Si le niveau est globalement solide, certains passages marquent plus que d’autres. Le trio « Cordialement, moi » fonctionne à merveille, tout comme le tableau bouleversant « Quelqu’un viendra ». Antoine Galey, qui incarne Connor, séduit par la puissance et la sensibilité de sa voix. Et bravo au jeune Antoine Le Provost, qui porte le rôle-titre d’Evan Hansen avec intensité et justesse. Il tient la pièce sur ses épaules pendant deux heures, une véritable performance.
Derrière eux, l’orchestre live dirigé par Léa Rulh donne une ampleur supplémentaire à l’ensemble et accompagne avec finesse les émotions qui traversent la scène.
Cher Evan Hansen reste profondément en phase avec notre époque. Il questionne la difficulté à créer des liens authentiques quand tout semble filtré par l’écran et rappelle combien un mot, une lettre, une rencontre peuvent infléchir une existence. Quelques longueurs subsistent, et peut-être qu’un entracte comme dans la version américaine aurait permis de mieux équilibrer le rythme, mais l’émotion et la pertinence du propos emportent le spectateur.
Un spectacle à découvrir, qui touche jeunes et adultes et qui met en lumière la fragilité comme la force de l’adolescence.
Cher Evan Hansen, au Théâtre de la Madeleine, 19 rue de Surène, 75008 Paris
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Visuels : MB