Scènes

« Gigi », l’amoroso de Joachim Maudet fait escale aux Hivernales

par Amélie Blaustein-Niddam
25.02.2024

Si vous êtes à Avignon ce mardi 27 février et que vous êtes libres à 18H, vous allez enfin comprendre pourquoi, Gigi, un jour est parti en Amerique avec son oeil de velours pour fuir son village et toutes celles qui étaient folles de lui…

« Et quand il arrivait…»

Cela fait 49 ans qu’il arrive. 49 ans que Gigi a trahi, qu’il est parti. 49 ans que son histoire à lui est racontée par elles : la femme du boulanger qui fermait sa boutique tous les mardis, la femme du notaire qui était une sainte et qui n’avait jamais trompé son mari auparavant, la veuve du colonel qui ne porta plus le deuil, parce qu’il n’aimait pas le noir. Toutes, oui toutes.

Mais lui ? Qui est Gigi ? Est-il seulement un beau mec prêt à piétiner ses racines pour une riche Américaine ? Et si Gigi avait juste eu envie de vivre sa vie ? Est-ce un crime ?

Joachim Maudet utilise l’humour dans ses spectacles pour mieux faire passer ses messages. Son tube Welcome est sur toutes les lèvres depuis deux ans ! C’est un exercice de ventriloquie appliqué au charme discret de la bourgeoisie. Il y montre que le mouvement pouvait être encore plus resserré que dans la non-danse.

GIGI est un solo, une commande pour le festival Danse Dense en 2021. Il commence par parler, planté devant nous, regard espiègle. Il raconte la vie « d’artiste ». Celle qui fait que vous êtes toujours sans domicile fixe, passant de train en train pour monter sur scène.

Le mouvement arrive comme un gag. Le cabaret semble s’immiscer en lui, il installe une main qui se déploie, une jambe qui se déplie. Il fait de ses habits un costume. Le tee-shirt devient la perruque blonde de Dalida, et ses chaussettes des marionnettes. Plus la pièce avance, plus sa prise de possession du plateau, nu et presque sans lumière pour le cacher, devient magistrale.

« Mais jamais sans tendresse »

Joachim Maudet est breton, il n’a rien de napolitain. Et pourtant, entre lui et Gigi, le lien est évident. Lui aussi est parti pour s’autoriser à être lui. Sa danse est faite de raideurs et de stops aussi nets qu’un énième 49.3. Il met dans ses pas l’ambiguïté du départ, de la séparation de son lieu de naissance.

Le danseur nous fait passer en un geste, son visage écrasé au sol, de l’humour au désespoir. La ligne est si fine… Gigi est en réalité un autoportrait à pleurer de rire pour ne pas pleurer tout court.

En 25 minutes précises, Joachim Maudet dit et montre tout des tiraillements qui le piquent. Alors oui, les bras doivent se braquer, comme les envies parfois. Ce n’est pas une raison pour abandonner. Le mouvement explose sans être fluide, d’un coup. Il est conscient, il n’est pas là pour faire joli ni faire plaisir.

GIGI est une pièce géniale. Elle permet de relire cette chanson mythique du point de vue du protagoniste principal et de la réécouter encore et encore. Elle montre que Joachim Maudet, qui a si souvent dansé pour d’autres, a beaucoup à dire. Contrairement au Gigi de la chanson, le danseur ne se fait pas attendre. Il sera les 6 et 7 mars à l’Etoile du Nord pour le festival Immersion Danse, il y présentera ‘sto:riz .

Mardi 27 février à 18h aux Hivernales. Durée 25 minutes.

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