Après quatre années de restauration, le Grand Palais (8e) ré-ouvre avec une ambition nouvelle : faire de la Nef et de ses abords un lieu d’expériences et de fête. Le programme Grand Palais d’été est là pour répondre à cette ambition. Sans lui faire perdre de sa superbe, danse, performance, spectacles, DJ sets, expositions, manifestations festives vont habiter cet espace magnifique afin de le rendre plus accessible et convivial. « Vertige » spectacle conçu par le chorégraphe Rachid Ouramdane en collaboration avec le highliner Nathan Paulin et Christophe Chassol inaugure cette première saison.
Installés sur les tatamis pour les uns ou dans les gradins pour les autres, chacun scrute l’espace. La hauteur de la nef est saisissante et les fils tendus à plus de 35m au – dessus de nous forment une toile d’araignée magnifique. Devant nous un grand plateau carré et blanc pour les acrobates – danseurs, en fond de scène un autre plateau plus petit pour la musique et, offerts pas le bâtiment, le balcon et le magnifique escalier que descendront à droite comme à gauche les chanteurs de la maitrise de Radio France. L’espace multidimensionnel est compliqué à appréhender. Le regard cherche, les yeux se posent çà et là. La tête tourne. On aperçoit les highliners blottis tels des oiseaux dans la structure du bâtiment. Le dispositif aérien est impressionnant et lorsque les 8 filles et garçons l’investissent dans des marches certes mais aussi des changements de direction, des tours ou des culbutes, le moment devient bluffant pour le spectateur. Dans ce mélange de prouesse et de beau la verrière devient un lieu de rêverie.
Au sol, les danseurs – acrobates cherchent l’envol. Rompus aux disciplines acrobatiques, développées jusqu’à en faire un langage par la compagnie X Y dont nous avions apprécié la démarche dès 2009 avec « Le grand C », ils captent l’attention. Éléments Techniques, dynamiques du mouvement, relation à l’espace et au rythme sont vécus comme un ensemble au service de la création et non comme un exploit. Les premières vingt minutes sont un festival pour le public peu habitué aux performances et à la vision circassiennes d’aujourd’hui. Les tours construites les pieds de l’un sur les épaules de l’autre se créent, s’écroulent, les chutes se transforment en roulade, les danseurs se portent et se supportent les uns les autres. Le jeu du poids du corps est à l’œuvre. La musique de Christophe Chassol mêle la flûte traversière, la batterie et les sonorités électroniques et embarque les artistes dans des courses qui font vibrer l’espace.
La nef est un volume à faire vivre ; les artistes s’y emploient. Hauteur, largeur profondeur, ces données fondamentales sont mises au service du mouvement qui se déploie à 360 degrés. L’effacement du poids est recherché dans chacune des propositions. Relayé par la présence délicate des highliners la sensation d’apesanteur emplit l’atmosphère et gagne le spectateur. Malgré tout sur la durée les motifs se répètent et le rythme d’ensemble semble parfois délicat à maitriser.
La Maîtrise de Radio France emmenée par Sofi Jeannin ajoute une touche de douceur. Elle prend parfaitement sa place dans ce spectacle qui fait se répondre les corps, les voix, les instruments. Les jeunes choristes se déplacent du balcon vers le plateau, joue une partition physique dans les escaliers, participe à la chorégraphie avec les acrobates danseurs.
« Vertige » est-ce qu’on appelle un beau spectacle facile d’accès et surprenant. C’est un spectacle qui fait plaisir. Dans le courant actuel qui met en avant le spectacle – événement, sa présence au Grand palais est un peu attendue. Il mériterait d’être programmé pour un public plus large, plus diversifié, moins connaisseur de la programmation parisienne. Pourquoi ne pas le faire vivre ailleurs, dans d’autres patrimoines à valoriser friches, usines désaffectées, barres d’immeubles …
Visuel :© Vincent Michel