Le 22 mai, le festival June Events ouvrait ses portes au public. Une programmation dansante et engagée, introduite par Vagabundus de Idio Chichava, un spectacle sur le thème de la migration qui transcende les frontières par le biais du « corps global ».
Dans la lumière blanche du hall, au théâtre de l’Aquarium, le spectacle commence déjà. Des chants succincts, des cris résonnent. Nous passons les portes et dès les couloirs les artistes à quelques centimètres se répondent, leurs voix se superposent. Vite, on s’installe dans ce désordre musical. Sans lever de rideau, la scène est grande ouverte, les danseurs sont partout, ils circulent dans les rangs et la lumière ne s’éteint pas. In situ, le spectacle commence.
Les danseurs sont aussi des musiciens, seules leurs voix et les percussions corporelles rythment le spectacle. Pour le chorégraphe mozambicain Idio Chichava, le corps ne peut s’exprimer pleinement que lorsqu’il chante et danse simultanément. Cela n’est pas une innovation totale, puisque danse et chant sont consubstantiels dans la formation traditionnelle au Mozambique. Ce «corps global» est pour le chorégraphe nécessaire, et présent déjà en chacun, mais oublié. Sur scène il en retrace le chemin.
Après une formation au Mozambique puis en Europe, Idio Chichava retourne dans son pays d’origine pour former des danseurs, notamment au sein de la première compagnie de danse contemporaine du pays, Culturarte. Vagabundus, son projet chorégraphique solo, regroupe treize danseur.euse.s de la compagnie ConverGe+ autour du thème des migrations.
Simplement vêtu.e.s de shorts brillants et colorés, de brassières noires, les danseur.euse.s s’emparent expressivement de l’espace. Le sol parfois se fait mer, les murs sont loins et ils se referment. Frénétiques, hachés, les différents tableaux s’enchaînent avec énergie. Les migrations ne sont pas dites avec des mots, mais elles sont parfois symbolisées explicitement : théâtral, l’ensemble laisse de la place aux cris, à de longs pleurs qui se fondent en un stupéfiant éclat de rire.
Si les accessoires introduisent certaines figures des migrations, avec un caddie, une grande branche qui peut être tantôt un appui tantôt un outil d’asservissement, ou de simples sacs de courses, les danseur.euse.s évoquent, non sans humour, le nomade, le bandit ou le sans-abri. Le groupe, dont les artistes s’extraient tour à tour, rejette et accueille, intègre ou porte l’individu.
Sur scène, le collectif soutient la qualité individuelle de chaque danseur.euse ou chanteur.euse. Le son puissant de leurs mouvements bat le tempo des chansons traditionnelles ou pop du Mozambique, de mélodies baroques. Si l’alternance dansée entre des moments effrénés et des cadences plus lentes est assez abrupte, les chants s’enchaînent de façon hypnotique. Parfois un peu long, ce temps suspendu a été aussi bouleversant qu’éprouvant.
Finalement assez indéfini dans le temps et dans l’espace, même si la chorégraphie est inspirée du peuple Makondé, le spectacle transcende ce qui aurait pu être un hommage folklorique, pour délivrer un peu d’universel à partir de tous ces récits de vie. Sans début ni fin précise, comme le phénomène migratoire, la performance s’est poursuivie par un DJ set coloré où la salle était invitée à se joindre aux danseur.euse.s. Vibrante et un peu trop saccadée, la performance dépasse les frontières scéniques pour proposer une expérience ouverte qui marque tout de même une belle entrée dans le festival June events.
© Mariano Silva