C’est une pièce en deux parties : un Récital et un Boléro. Dominique Brun et François Chaignaud parviennent à renouveler un répertoire tant de fois revisité. De la métamorphose, de l’étrange et du beau à l’Auditorium Jean-Pierre Miquel à Vincennes.
Sur le piano de Sandrine Legrand et de Jérôme Granjon, Chaignaud et Brun s’attèlent à deux véritables traditions de la danse moderne : le récital et le boléro. Tout commence avec l’apparition hésitante de Chaignaud, ses cheveux bouclés lâchés sur les épaules. Il honore dans le récital la danseuse et chorégraphe Isadora Duncan, figure emblématique de la danse moderne. Chez Chaignaud, tout récit, toute histoire d’autrefois, continue de vivre et se mélange avec l’époque actuelle. Ses recherches historiques lui permettent ainsi de reprendre et remoderniser la structure des danses d’Isadora Duncan. Sublimant la scène de sa grâce et de son regard presque narquois, son corps ondule, léger.
Ensuite, la deuxième partie de la pièce rend hommage à la chorégraphe Bronislava Nijinska, dans un boléro tourbillonnant. La chorégraphe Dominique Brun, arbore à son tour le chapeau d’historienne et cherche dans les archives la modernité de Bronislava Nijinska, première femme chorégraphe des Ballets russes. En 1928, elle chorégraphie pour la première fois le Boléro de Ravel pour la danseuse Ida Rubinsein. Brun reprend le boléro, y ajoute des mouvements du flamenco espagnol, du bûto japonais et de la « skirt dance » anglaise. Il en devient rebelle, inspiré des figures de La Argentina ou de Tatsumi Hijikata. Alors, Chaignaud entraîne la salle entière dans un tumulte éclatant. Et pour incarner ce nouveau boléro nourri d’histoires, ce boléro qui réinvente le genre, l’interprète ne pouvait être mieux choisi.
Le vocabulaire est presque organique et bestiaire, sublimant les lignes et les formes naturelles. D’abord un récital semblant être un cours d’eau, où le chant s’immisce dans la pièce ; puis un Boléro, comme un être en mutation. Chaignaud se métamorphose, ses mouvements de bras ralentissent tandis que ses pieds s’accélèrent et tapent fermement le parquet de la scène. Dans le Boléro, la musique s’entête et devient presque obsédante. De pulsations en pulsations, c’est dans une transe étrange que Chaignaud embarque ses spectateur.ices.
Une mise en scène réfléchie, par son installation brute, volontairement simple. Tout est visible, seul le danseur éblouit. Pas besoin de décors voluptueux, c’est sur Chaignaud, ses gestes, son corps et ses costumes multicolores que les yeux se déposent.
La robe du récital s’envole, laisse transparaitre le corps de Chaignaud. Isadora Duncan apparait subtilement, elle qui dansait presque nue sous des voiles transparents. Tandis que la jupe du Boléro, immense, multicolore, lourde, s’accapare l’espace, sans pourtant sembler contraindre le danseur. Il prend l’ascendant sur les imprévisibilités du corps et s’élance en pirouettes ou contracte ses bras et ses jambes.
Finalement, du récital au boléro, Chaignaud hypnotise et capte l’attention de tous.tes, laissant transparaître les traces les danseuses emblématiques de la danse moderne.
Récital : chorégraphie, danse et chant : François Chaignaud | transmission des danses : Elisabeth Schwartz | piano : Sandrine Legrand | costume : Romain Brau | administration, production, diffusion : Mandorle productions – Emma Forster, Jeanne Lefèvre, Chloé Perol | La chanson Je suis née par-delà l’Atlantique est extraite de Cantate pour les années folles de Nosfell, texte d’Anne James Chaton, 2017.
Boléro : chorégraphie : Dominique Brun, François Chaignaud | interprétation : François Chaignaud | musique : Maurice Ravel (version pour piano à quatre mains) | interprétée par : Sandrine Legrand, Jérôme Granjon | costume : Romain Brau | création lumières : Philippe Gladieux | direction technique : Christophe Poux.
Visuel © Laurent Paillet