Pour lancer l’édition 2025 du festival de danse June Events, Anne Sauvage, la directrice de l’Atelier de Paris, a provoqué une rencontre entre son artiste associée, Rebecca Journo et la codirectrice du CCN de Rennes, Linda Hayford. Elles n’avaient jamais dansé ensemble et cette courte proposition marque le signe d’une collaboration fructueuse.
Sur le papier, ces deux artistes ne cultivent pas les mêmes écritures. Linda Hayford vient du hip hop, elle maitrise le popping. Rebecca Journo, elle, vient du contemporain. Il fallait donc trouver entre ces deux merveilleuses interprètes un point commun. Il était en réalité évident : un micro mouvement saccadé. Chez elles deux la danse n’est pas fluide, elle est hachée. Un geste se suffit à lui-même, il faut passer au suivant, et d’à-coups en à-coups, le fil se tisse.
Pour ce dixième Processing, qui est le labo d’expérimentation de Linda Hayford, nous sommes assis.e.s par terre en cercle. Elles deux sont posées debout en jean-petit haut-chaussettes. Elles vont s’amuser, pendant 20 minutes, à étirer une seule proposition. Elles s’attachent à dissocier chaque muscle de leur corps, y compris ceux du visage. Sans jamais s’attraper, elles se frôlent du revers des mains, le regard hagard, les nuques laxes comme des insectes. Chez Rebecca Journo, comme on a pu le voir dans Les amours de la pieuvre et Canicular (à noter que les deux pièces sont programmées à June Events, allez y !), le rapport aux mouvements de l’animalité sont très présents. Dans Canular, elle devient une cigale écarlate qui frémit sur place, par exemple. Et il aura fallu que Linda Hayford s’approche d’elle pour saisir la tentation hip hop de ces fragments corporels. La proposition s’approche d’un break minimal où la musique a été remplacée par un flow de white noise bruitiste. De façon informelle, Linda Hayford nous glisse qu’elle aime faire son sport sur ce genre de son et que Rebbecca Journo en écoute aussi. À croire que ces deux là étaient faites pour se rencontrer.
La proposition n’est pas à prendre comme une pièce, mais plus comme une expérience sensible. Le micro-mouvement est un classique en danse contemporaine, il peut être très pluriel. Le séquençage de Processing #10 en est une version, fascinante de minutie et de détail. Cela fonctionne grâce à leur écoute silencieuse et sororale. On aurait adoré qu’elles tendent et relâchent chacun de leurs membres pendant bien plus longtemps. Qui sait, cela deviendra peut-être un long spectacle un jour.