Toujours au Next Festival, où nous l’avons découverte l’an passé, Katja Heitmann continue d’explorer les archives rassemblées dans le projet Motus Mori MUSEUM qui a commencé en 2019. Aujourd’hui, il rassemble plus de 2 000 témoignages récoltés sur le territoire de la représentation. Pour Motus Mori RELIQUIEM, elle pousse l’idée d’une mémoire vivante des mouvements non chorégraphiques jusqu’à notre propre corps.
L’idée du Next Festival est d’abolir les frontières, entre la Belgique et la France et entre les typologies de spectacles. Nous voici donc traversant, en train, des paysages enneigés à se damner de beauté, pour accéder une bonne heure plus tard à Waregem, dans un centre culturel. Nous sommes accueilli·e·s par l’une des performeuses du projet qui nous sensibilise à l’excellente question de l’archivage des gestes et des mouvements des corps des anonymes. En histoire, on parle de sources privées. Que ces sources soient personnelles, familiales, associatives, économiques, politiques, qu’elles soient issues de personnalités religieuses, militaires, artistiques, scientifiques ou autres, les problématiques soulevées par leur récolte, leur recensement, leur conservation, leur consultation et leur étude impliquent de nombreux acteurs et actrices soucieux et soucieuses de vouloir sauvegarder une trace qui pourra être produite plus tard. On voit bien comment cela peut se faire avec du papier ou des photos, mais que faire d’un soulèvement de sourcils, d’un croisement de jambes, d’un clin d’œil, d’une marche bancale ? Que faire de tous ces éléments qui vous font reconnaître quelqu’un en une seconde ?
Pour répondre à cette question rassemblée sous une seule : « comment peut-on conserver un mouvement », Katja Heitmann a décidé de nous transmettre ces expressions du corps et de la tête, d’en faire l’expérience, afin que ces gestes fassent désormais partie de nous. Nous sommes installé·e·s en cercle, séparé·e·s légèrement les un·e·s des autres par des pans de tissu, nous sommes dans des box en quelque sorte, muni·e·s d’un casque et assis·e·s sur un tabouret. Nous entendons des directions à suivre : mettre la tête d’un côté, marcher les pieds en dedans ou les orteils en dehors, accélérer, ralentir. Nous entendons les micro-détails qui constituent un individu. À chaque fois que nous faisons l’expérience d’une façon d’être, nous apprenons que celle-ci appartient à quelqu’un dont nous découvrons le prénom. Pavel, Emma, Charlotte… et tant d’autres, dont les mouvements ont été collectés dans le projet.
Passer par le faire au lieu du voir est une démarche très actuelle dans le champ des arts vivants, on a pu le remarquer lors de la dernière Biennale de la danse de Lyon ou plus récemment au festival Moving in November d’Helsinki. En prenant dans nos jambes plus que dans nos yeux une action, elle devient concrète. Alors, évidemment, cela redistribue totalement les cartes de la définition de la représentation, en black box, gradin, scène, coulisses. Avouons que c’est passionnant de voir ces tendances évoluer dans le fond et la forme. Motus Mori RELIQUIEM est une expérience autant collective que personnelle qui vous fait réfléchir à votre propre posture. Vous en sortez en sachant que ce qui vous semble naturel est extrêmement inconfortable pour l’autre et inversement, jusqu’à notre façon de respirer.
In het Next Festival worden grenzen weggeveegd, zowel tussen België en Frankrijk als tussen verschillende vormen van podiumkunst. In Waregem nemen we deel aan Motus Mori RELIQUIEM, een ervaring waarin bewegingen van anonieme mensen worden doorgegeven en belichaamd. In plaats van te kijken, leren we door te doen: kleine gebaren, houdingen en manieren van bewegen worden zorgvuldig beschreven en opnieuw uitgevoerd. Zo ontdekken we hoe persoonlijk en tegelijk hoe kwetsbaar een beweging kan zijn. De voorstelling doet nadenken over onze eigen lichaamstaal en over hoe verschillend het natuurlijke ritme van ieder lichaam is.
À voir jusqu’au 22 novembre au Next Festival qui lui dure jusqu’au 29 novembre
Visuel : ©Hanneke Wetzer