Au croisement des genres, ce film réalisé par Jacques Audiard met essentiellement en lumière le talent ultra sensible de l’actrice Karla Sofia Gascon, qui est trans.
Au Mexique, une avocate ambitionnant une justice digne de ce nom est enlevée par un chef de gang réputé terrifiant. Celui-ci veut en réalité devenir une femme, sentiment qu’il a en lui depuis tout jeune. Au milieu du film, le basculement se fera. Ambitionnant de se situer entre plusieurs genres et de casser des codes, ce long-métrage dirigé par Jacques Audiard – en langues espagnole et anglaise – vaut en grande partie pour l’interprétation de Karla Sofia Gascon.
L’actrice, trans, se révèle magnétique, dans l’ombre, en patron de gang. Son intensité rentrée arrive à se teinter de sensibilité : on reste pendu à ce qu’elle confie à l’interlocutrice qui doit l’aider. Et lorsqu’elle incarne Emilia Pérez, rangée ou presque, son charisme et la palette qu’elle traverse éblouissent. Toute en sensibilité, elle impressionne aussi lorsqu’elle use de force pour se réimposer dans la vie de celles et ceux qui l’ont aidée auparavant.
Son interprétation fascine pas mal, au final, et ce bien que le film – qui ambitionne aussi d’être une comédie musicale – partent trop dans le mélo, on peut juger. Karla Sofia Gascon, elle, incarne tout du long une protagoniste qui tente de rester accrochée à son fil de vie, et la constance de son interprétation produit de vraies ambiguïtés, sur son caractère. Par sa finesse de jeu, elle ne livre pas toute son intériorité tout de suite de façon programmatique et prévisible. Elle fait exister celle qu’elle incarne, pour de vrai.
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Visuel : (c) PAGE 114 – WHY NOT PRODUCTIONS – PATHÉ FILMS – FRANCE 2 CINÉMA – SAINT LAURENT PRODUCTIONS – Shanna Besson