C’est une séquence digne de Judy Garland dans le film culte de George Cukor, « A star is born » que Stella Cole a offert au public venu en nombre à La Cigale ce mardi soir. Rien d’étonnant lorsqu’on connaît la fascination qu’ont exercé les comédies musicales de l’âge d’or de Hollywood sur la jeune chanteuse.
Dès l’âge de deux ans, elle découvre en boucle sur un magnétoscope Le Magicien d’Oz. Puis défilent tous les monuments américains : La Mélodie du bonheur, Singing in the Rain, ou encore Hello Dolly avec Barbra Streisand, l’une de ses idoles.
Indéniablement, cette enfance singulière a façonné l’univers artistique de Stella Cole. Car tandis que les enfants de sa génération ont le regard tourné vers le XXIᵉ siècle et l’avenir incertain qu’il nous réserve, Stella emprunte une machine à remonter le temps pour se réfugier dans un monde rassurant, empreint de magie, de bonheur, de romantisme, où la fragilité trouve sa place.
Les trois albums qu’elle a déjà enregistrés, constitués de reprises, confirment cette approche esthétique, jusque dans les visuels de pochette résolument kitsch.
Et c’est précisément ce que nous propose Stella Cole sur scène.
Elle entre en scène vêtue d’une élégante robe noire doublée de dentelle et pose d’emblée l’atmosphère du spectacle en interprétant « Love Walked In » de George Gershwin, immortalisé par le grand Nat King Cole (sans lien de parenté). Le ton est donné, porté par cette voix enveloppante qui vous envoute instantanément. Tout au long de la soirée, elle nous délivre un florilège des comédies musicales des années 50 et 60 : « Perhaps, Perhaps, Perhaps », « He’s a Tramp », titres non enregistrés sur album, tout en assurant la promotion de son nouvel opus avec « Singin’ in the Rain », « It’s Magic », « Till There Was You » dans une version plus intimiste que celle des Beatles, ou encore « Alfie » de Burt Bacharach.
Elle possède dans la voix un diamant d’une pureté rare, ciselé par des années de travail rigoureux. Et elle le met au service des grands standards qu’elle sublime en restituant, avec une diction impeccable, l’esprit originel de l’œuvre, à la manière d’une concertiste classique. C’est précisément ce qui la distingue d’un Michael Bublé ou d’un Rod Stewart qui, eux, n’hésitent pas à réinventer ces standards en y apportant leur empreinte personnelle.
Accompagnée par le batteur Henry Allen Barfield, le pianiste Fraser Urquhart et le bassiste Luca Fattorini, trois musiciens aguerris, Stella Cole nous offre un concert au sens noble du terme, nous transportant dans l’univers onirique de la comédie musicale.
Elle n’hésite pas pour autant à partager avec le public ses fragilités, allant jusqu’à s’en amuser avec autodérision. Elle confie son admiration pour l’attitude naturelle des Parisiennes et leur élégance innée, elle qui passe des heures devant son miroir à tenter désespérément d’avoir l’air « cool ». Le bonheur tel qu’il était fantasmé dans les années 1950, le romantisme intemporel, voilà ce qui fait vibrer Stella. Elle avoue rêver de passer quelques mois à Paris avec son compagnon, ce Paris que Woody Allen a immortalisé dans le film « Midnight in Paris ». L’amour pour elle, loin des codes contemporains, serait celui de la galanterie, de la séduction bienveillante rehaussée d’un humour à toute épreuve, comme celui déployé par Natalie Cole (elle, est bien la fille de Nat King Cole) aux côtés de James Taylor dans leur interprétation mémorable de « Baby it’s cold outside ».
Mais ce côté « Girly », comme elle le qualifie elle-même et qui lui confère un charme indéniable, n’est pas l’unique clé de son succès. Le talent d’interprète s’impose avec évidence, et c’est avec regret que l’on voit s’achever ce concert sur un clin d’œil malicieux : « That’s All » de l’autre Cole.
Stella Cole cultive une approche parfaitement assumée qui a fait son succès dès son interprétation « a cappella » de « Over the rainbow », filmée dans la cuisine de ses parents lors du confinement et postée sur TikTok. Depuis, elle fédère plus d’un million sept cent mille admirateurs, parmi lesquels James Taylor lui-même, ainsi que le célèbre producteur Matt Pierson qui la repère et produit son premier disque via un financement participatif.
Cette voie empruntée par Stella lui permettra-t-elle de rayonner durablement dans l’univers « Jazzy » ? C’est le pari qu’a fait Decca Verve en signant avec elle et en produisant son troisième album « It’s magic ».
Reste que sur ce registre, l’espace se fait rare entre la grâce vintage de Laufey, le feu de Raye et le groove de Samara Joy.
Texte: Guy Zeitoun & Yves Braka
Photo d’accueil: Guy Zeitoun
Photo centrale: Luke Rogers pour Universal
Un album a courir acheter chez son disquaire indépendant favori: It’s Magic (2025)