One way, not another / avril XXX playlist
par Antoine Couder16.04.2025
L’étrange goût du chaos pendant les vacances scolaires (une folie française).
1.2.3
Rien ne change vraiment sinon le volume des flux, leur direction. Vers la gare, vers le temps de l’amour sur lequel on se jette à bras raccourcis, sur des horaires raccourcis, pour entretenir le goût de l’extase, pour ne pas exactement en rester là. Une introduction simple d’Alicia Key avant d’entrer dans le vif du sujet, en français dans le texte, l’amour et la lumière, l’intensité et la chorégraphie du moi (« encore », Nicole Croisille). Il faudra en revenir, bien sûr (c’est un droit dira-t-on aujourd’hui, sobrement), « encore et encore », revenir/retenir quelque chose de cette tactique de la jouissance où l’on ne distingue pas vraiment le bouton on/off du consentement (« Tactics for survival », Joshua Idehen, Hanakiv). Si ce n’est pas une danse rythmée, c’est au moins une tragédie au piano.
4.5.6
Démarrons quand même, brisons le silence en y mettant les mots, ce qui pourrait faire sens, vite, sans que l’on ait besoin d’y revenir, de détailler ce que l’on voudrait capter, cet instant fugace, encore une fois on le voit dans les yeux de l’autre, rien n’est sûr, rien ne sera jamais absolument sûr (« Break the silent », David Haseart, Minoas Cirillo) et l’accepter c’est peut-être sortir de la suspicion du mensonge, et glisser sur la surface raide de ce qui semble avancer tout seul « Ocean steppin’ », John Glacier, Sampha), nous avancer dans l’espace imaginaire, vu de mes yeux, de mon désir, vu d’un endroit où le progrès reste liquide, en attendant que le spectacle usuel recommence . « Gauche droite » (Vald), on pourrait dire l’an 1800 ou 1900, l’habituel humour badass des plus pauvres devenus riches face à ceux qui l’ont toujours été.
7.8.9
Qui va gagner, réussir le premier ? Pour commencer la harpe chromatique de Debussy (Claire Jones). Un interlude de cinq minutes en plein 2025 (eh oui, une forme de printemps) et puis évidemment, pour avoir l’air intelligent, la rupture radicale de la famille radicale, de l’actualité des grands fauves qui se haussent (mais sans plus hausser le ton, vous avez remarqué, c’est tout le contraire ce qui se hausse, tout en contrition de winner (« Mojo Jojo », Plaiboy Carti). Au secours, c’est la playlist qui tourne la tête sans Piaf Édith, sans Zoé de Sagazan. C’est le retour au commencement, quand on n’a que l’amour, « everything we have is like an empire we built upon the sand » (« Empire », Eddie Chacon, feat. John Caroll Kirby)
10.11.12
Couché, tranquille, horizontal. On peut rêver au courage des oiseaux, avec le fait de voler au-dessus de ce qu’il se passe en dessous. On peut, non pas voler, mais précisément « sur-voler » l’histoire du love. Ne serait-ce pas finalement ce qu’il y aurait de mieux pour tout le monde, l’offre avec le plus d’avantages cumulés (« Oiseau », Bertrand Belin) ? C’est en cela que l’extase est pleine d’ironie musicale lorsqu’elle mélange un peu tous les genres pour faire en sorte de perdurer encore. Alors un coup, ce sera l’ange (« Self », Cléo Sol), un coup, ce sera le démon (« Rules », Doja Cat).
13.14.15
La musique se fait instrumentale, simili easy listening simili porn-movie (« Selenge », Céline Dessberg) avant que ne débarque (enfin) notre star du moment, pas super-bonne non pas vraiment, « simili girl next door », mais quand même, ce quelque chose ? Katie Perry qui serait restée soumise à l’attraction (terrestre) : ladite Miso Extra (« Certified »). Son ordinaire publicitaire final est cruellement une belle intro à l’hommage du jour (« Beaux dimanches » Amadou&Mariam … Mais je me demande en écoutant la chanson, ce sont des filles excisées que l’on marie joyeusement les dimanches à Bamako ?).
16.17.18
Le vrai bon morceau de cette playlist, objectivement, algorithme-ment parlant, c’est bien ce « Shut me down » avec la nouvelle star Blasé et le timbre engageant d’Ana Majidson (« Shut me down » Haute, Blasé, Anna Majidson). C’est bien triste que ce morceau ne soit pas mieux diffusé. Fatigue, démotivation. On prend un petit coup de tension, masculine (« Fine », Lemfreck) avant d’en revenir à cette variété française « rock et new wave », celle de Jacno, de la pulsion de voix-fantôme d’Elli Medeiros ; ici revu et corrigé au début des années 1990, « ça a glissé » avec Mirwais aux commandes de l’album de sa chérie, Juliette et les indépendants (« Il n’est que lui », il n’est pas toi).
19.20 et c’est la fin
Parce qu’il faut bien se quitter, très définitivement ou en attendant la suite. C’est vrai qu’ici aussi, ça peut glisser ; ça peut se perdre (« Close to you », Paria). C’est bien la fin, mais justement ce qui a de beau sur la fin, c’est quand ça ne va pas trop vite, que tout ne se révèle pas en un instant. « My lonely heart » (Azamiah), c’est souvent comme ça la fin, c’est mystique.
Visuel : ©AC
