Mais qui est vraiment Sturgill Simpson ?
par Yves Braka24.03.2025
Le 22 mars, 1200 privilégiés se pressaient sous une pluie battante à l’entrée du Trianon pour assister à l’unique concert parisien de Sturgill Simpson, ultime étape de sa tournée européenne intitulée « Who The F*** Is Johnny Blue Skies ? » en référence à son dernier album.
Ayant jadis promis de ne pas produire plus de sept disques, est-ce pour contourner cet engagement qu’un nouveau nom apparaît pour le huitième ? Le mystère autour de cet artiste s’épaissit.
Le concert…
Dans la salle, le public savait exactement qui il venait applaudir. Majoritairement américains, certains fans avaient traversé l’Atlantique spécialement pour ce spectacle dans ce « wonderful theater » reconstruit en 1902 par Joseph Cassien-Bernard, l’architecte du pont Alexandre-III. Leur long voyage fut largement récompensé.
Dans une ambiance électrique, Sturgill apparut sur scène à vingt heures précises, sans première partie, accompagné de musiciens d’exception : le guitariste Laur Joamets, Kevin Black à la basse, Miles Miller à la batterie et le claviériste Robbie Crowell.
Il attaqua immédiatement « Scooter Blues », premier des trente morceaux qu’il interpréta sans la moindre pause pendant deux heures et demie. Pas de bavardages superflus, uniquement de la musique partagée avec intensité, sans laisser au public le temps de reprendre son souffle entre deux titres. Le seul échange verbal fut la présentation du groupe, ce qui convenait parfaitement à l’auditoire. Sa présence n’avait qu’un but : nous faire partager, avec générosité, sa passion pour la musique. Mission accomplie avec brio.
Durant tout le concert, il nous offrit la palette complète des sonorités qu’il affectionne, principalement extraites de son dernier opus « Passage du Désir » de 2025 et de « Metamodern Sounds in Country Music » sorti en 2014.
À l’image de ses albums, il navigua de la ballade mélancolique (« Breakers Roar ») au country rock énergique (« Best Clockmaker on Mars »), en passant par le bluegrass traditionnel (« Sitting Here Without You ») et le rock pur et dur (« Call to Arms »), le tout saupoudré de sonorités psychédéliques évoquant le Grateful Dead. Ses reprises révélèrent d’autres facettes de son talent. « Purple Rain » de Prince mit en lumière, s’il en était encore besoin, la sensibilité du guitariste d’origine estonienne, Laur Joamets. Dans « You Don’t Miss Your Water » d’Otis Redding, il démontra que sa voix magnifique pouvait aussi conquérir le Rhythm & Blues. Mais c’est surtout avec une version endiablée de « L.A. Woman » des Doors qu’il fit littéralement exploser la salle.
Après deux heures trente d’intensité, le public était aussi épuisé que le groupe. En quittant les lieux, le bonheur d’avoir assisté à un spectacle exceptionnel de pur rock se lisait sur tous les visages.
…et l’homme
Sturgill Simpson se plaît à bousculer les conventions, tant dans sa musique que dans sa carrière.
Dans ses explorations musicales, même si l’influence country prédomine, il s’aventure constamment sur des territoires inattendus, quitte à dérouter une partie de son public. En fusionnant les styles, il démontre que le rock a créé d’innombrables passerelles entre tous les courants musicaux, rendant obsolète tout sectarisme. Les nombreuses reprises qui jalonnent ses albums et concerts, de Procol Harum à Nirvana, n’ont d’autre ambition que de jouer et partager tout ce qu’il aime, avec générosité.
En signant son dernier disque sous le pseudonyme « Johnny Blue Skies », on perçoit sa volonté de s’effacer, jusqu’à son identité même, pour laisser toute la place à la musique. Il rejoint ainsi les Beatles créant le personnage de « Sgt. Pepper » pour se réinventer. Et malgré les multiples influences musicales qui l’habitent, des Allman Brothers à JJ Cale en passant par Waylon Jennings, il a su imposer sa signature unique, lui valant la reconnaissance de ses pairs, en 2016, avec le titre de Meilleur Album Country aux 59èmes Grammy Awards pour «A Sailor’s Guide to Earth», assorti d’une nomination pour le Meilleur Album de l’Année.
On le retrouve également là où l’on n’attend pas une star du rock : au cinéma. Sa stature imposante et son charisme ont séduit des réalisateurs aussi prestigieux que Martin Scorsese, qui lui a confié le rôle de Henry Grammer dans « Killers of the Flower Moon ». Simpson a d’ailleurs déclaré à ce sujet qu’il ne se considérait pas comme un acteur, mais « simplement comme une personne créative cherchant à s’exprimer sous toutes les formes possibles ».
Ne soyez pas surpris si vous découvrez demain Sturgill Simpson dans un registre totalement inattendu – il aime déjouer les attentes, pour notre plus grand plaisir.
visuel : ©Yves Braka
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