Le 26 Juin 2023, au théâtre des Champs Élysées, le pianiste David Fray et le violoniste Renaud Capuçon interprètent des œuvres de Franz Schubert.
Franz Schubert ( 1797-1828) était un excellent violoniste. S’il a beaucoup écrit de musique de chambre, ses œuvres pour piano et violon sont peu nombreuses et ne seront, le plus souvent, publiées qu’après la mort du compositeur. Six œuvres en tout. Nous allons ce soir en découvrir quatre. Les sonatines composées en 1816 sont des œuvres de jeunesse. La sonate «Grand Duo» a été écrite en 1817, le rondo brillant en 1826, la fantaisie en do majeur l’année suivante.
Ces œuvres rares seront interprétées par un duo célèbre. Un duo qui va tenir toutes ses promesses. Le jeu de David Fray est très fluide, sans excès, tout en nuance. Renaud Capuçon magnifie l’âme de son violon, un Guarneri qui avait appartenu à Isaac Stern. Le timbre est remarquable de délicatesse, de chaleur, de profondeur.
La beauté de la mélodie est une évidence dès le début de la sonate «Grand Duo» qui inaugure le concert. Un dialogue très romantique s’instaure entre le piano et le violon. L’auditeur est d’emblée ému par cette musique. La virtuosité des deux solistes apparaît dans le scherzo qui est vif, joyeux. Les arpèges du piano donnent une impression de grande fluidité. Cette sonate est très contrastée, traduisant les émotions intenses de Schubert. Le lyrisme domine l’andantino qui pourrait être un lied dédié à l’amour avant un final explosif très rapide et spectaculaire.
Le Rondo brillant est une œuvre conçue pour mettre en exergue la virtuosité des deux solistes pour lesquels elle a été écrite. Elle est également riche en émotion, en particulier lors du prologue. Les accords puissants du piano introduisent une atmosphère tragique. Le violon répond à ces accords par un chant d’une grande pureté, une mélodie interrogative, inquiète. Une mélodie qui met en valeur la finesse d’interprétation, la sensibilité de Renaud Capuçon. Le rondo lui-même est rapide, rythmé, évoquant une fête, des danses tziganes. Mais cette musique entraînante, tourbillonnante, s’interrompt plusieurs fois pour laisser la place à des moments de tendresse, de mélancolie. L’auditeur adhère à ces émotions contradictoires.
Schubert n’a que 17 ans lorsqu’il compose sa 2ème sonatine pour piano et violon. L’influence de Mozart est perceptible. Le piano débute seul, le jeu de David Fray est subtil, sensible, son toucher émouvant puis un dialogue plutôt badin s’instaure avec le violon même si le piano domine le premier mouvement. La mélodie de l’andante introduite par le piano est empreinte de douceur, de tendresse . Quelle pureté, quelle délicatesse, chaque note est juste parfaite ! La sonatine se termine par deux allegro. L’allegro final débute paisiblement, puis la musique prend une grande ampleur. Un long crescendo lui confère un souffle romantique puissant, saisissant.
La fantaisie en do majeur est une œuvre originale, moderne surprenante. Elle est jouée d’un seul tenant. L’introduction est remarquable. Le jeu du piano est fondu, assurant la plénitude de l’ambiance sonore. Le violon débute par un do prolongé, tenu, suivi d’un chant douloureux mais très simple qui contraste avec la complexité de la partie pianistique. Superbe. Changement radical avec l’allegretto. Les accents, le rythme, les notes jouées sur des cordes pincées évoquent une musique tzigane. La partie centrale, andantino, est construite sur des variations. Le thème est une mélodie grave , très belle, inspiré du Lied: «Sei mir gegrüsst». La fantaisie est construite sur une alternance de moments lents et rapides, de puissance et de douceur, d’émotions diverses qui surprendront l’auditeur. Il assistera au retour des notes en cordes pincées qui survolent les longs développements du piano, et à la reprise de la mystérieuse introduction.
L’auditeur sera conquis par la beauté de cette musique. Il sera plongé dans une longue rêverie musicale portée par des mélodies qui semblent d’inspiration céleste. La musique de Schubert est magnifiée par l’interprétation juste et sensible des deux solistes. Les longs applaudissements du public ont été gratifiés par deux bis … à la fin de ce très beau concert.
Visuel (c): JMC