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Festival Chostakovitch à Leipzig : la violoniste Baiba Skride magistrale dans le « Concerto n° 1 »

par Hannah Starman
17.05.2025

Ce 16 mai, devant la salle comble du Gewandhaus à Leipzig, la violoniste lettonne Baiba Skride offre au public une interprétation impeccable du Concerto n° 1. Dans la deuxième partie, le Boston Symphony Orchestra dirigé par Andris Nelsons tout aussi impressionnant dans la Symphonie n° 11 « Année 1905 ».

Concerto pour violon n° 1 op. 77 : l’interprétation sans faute de Baiba Skride

 

Chostakovitch travaillait sur son premier concerto pour violon en 1947-1948, lorsqu’il se voit dénoncé et accusé de « formalisme bourgeois » par Andrei Jdanov, le « propagandiste en chef » de Staline. Six autres compositeurs, parmi lesquels Serguei Prokofiev et Aram Khatchatourian, ont subi le même sort. Leurs œuvres ont été bannies et leurs privilèges retirés. Youri Lyubimov, le célèbre metteur en scène et ami de Chostakovitch, a confié au biographe de celui-ci que Chostakovitch « attendait son arrestation toutes les nuits, sur le palier devant l’ascenseur, pour que sa famille ne soit pas dérangée ».

 

Forcé à présenter publiquement ses excuses et renvoyé du Conservatoire, Chostakovitch était désormais obligé de composer trois catégories de musique : la musique de film pour nourrir sa famille, la musique de propagande pour obtenir la réhabilitation officielle, et la musique conforme à ses propres exigences artistiques « pour le tiroir ». Avec la Symphonie n° 10, le Quatuor à cordes n° 5 et le cycle De la poésie populaire juive, le Concerto pour violon n°1 compte parmi ces œuvres secrètes qui devaient attendre la mort de Staline avant d’être présentées au public. Le Concerto n°1 sera créé à Léningrad le 29 octobre 1955, par son dédicataire David Oïstrakh, violoniste et ami du compositeur et l’Orchestre philarmonique de Léningrad dirigé par Ievgueni Mravinski.

 

 

Vêtue d’une longue robe bleue, la violoniste lettone est souveraine dès les premières mesures. En terrain connu, car elle vient tout juste d’enregistrer le Concerto n°1 avec Boston Symphony Orchestra sous la direction d’Andris Nelsons pour Deutsche Grammophon, Baiba Skride joue son 1724 Yfrah Neaman Stradivarius sans partition. Elle transmet la noirceur, l’urgence et la grandeur de cette œuvre, que David Oïstrakh a qualifié de « shakespearienne », avec une virtuosité et une intensité, aussi discrètes que poignantes.

 

Le Premier concerto s’appuie sur une distribution atypique de quatorze bois, quatre cors, tuba, timbales, tambourin, tam-tam, xylophone, célesta, deux harpes et cordes. Le premier mouvement contemplatif et ténébreux, intitulé Nocturne, évoque – selon Oïstrakh – « une suppression de sentiments ». Le violon lyrique évoque le motif du Dies irae et monte lentement jusqu’au do aigu, accompagné par le célesta et les harpes jusqu’à l’entrée pianissimo du tuba, des timbales et des tam-tam en fa grave.

 

Le deuxième mouvement est un scherzo diabolique qui ouvre avec un thème, porté par le hautbois, qui marque la première esquisse de la signature musicale du compositeur – DSCH (ré-mi bémol-do-si en notation musicale allemande).  Elle fera son entrée « officielle » dans la Symphonie n° 10. Le violon s’engage alors dans une danse effrénée aux accents klezmer, superbement jouée par Skride.

 

 

Le choix de ce thème fortement connoté traduit en musique la profonde sympathie que Chostakovitch a toujours témoigné à l’égard de la souffrance du peuple juif. Le sujet était d’une actualité brûlante en 1948, l’année du début de la campagne antisémite en Union soviétique. Les juifs soviétiques ont été expurgés du Comité central, des institutions académiques et de l’armée ; les quotas ont été introduites dans les universités, les institutions culturelles juives ont été liquidées et les poètes yiddish déportés en Sibérie.

 

En janvier 1953, six médecins juifs ayant soigné les membres du parti communiste, ont été accusé d’avoir empoisonné Andreï Jdanov (mort en 1948). Des centaines de juifs, médecins et pharmaciens ont été arrêtés et accusés d’avoir participé au « complot des blouses blanches ». La mort de Staline le 5 mars 1953 mettra fin à l’affaire et un mois plus tard, le Présidium du Soviet suprême décide que le « complot des médecins » n’a jamais existé. Chostakovitch a exprimé sa solidarité avec les juifs persécutés dans plusieurs œuvres de cette période.

 

La majestueuse passacaille du troisième mouvement est le cœur du Concerto n° 1. Pour exprimer des émotions fortes, Chostakovitch resserre souvent l’architecture formelle et cette fois-ci, il s’inspire de Bach. Le mouvement suit ainsi une série de variations régulières sur un thème de basse, introduite par les timbales et les cordes graves, avec une ligne en fanfare au-dessus jouée par les quatre cors. Lorsque le violon entre avec sa mélodie ample et d’une tristesse infinie, celle-ci devient à son tour la base d’un travail canonique complexe, dont le point culminant se produit au moment où le violon reprend le thème original en octaves emphatiques.

 

La fin du mouvement est une grande cadence du violon qui reprend les thèmes forts du concerto, allant de l’introspection, à la signature DSCH au thème klezmer ; avant de plonger dans la Burlesque finale. Endiablée, virtuose et grisante à la folie, cette séquence dansante qui commence avec une valse charmante pour se terminer dans une déferlante de percussions d’une férocité rare, est sans doute la seule réponse qu’un génie muselé puisse donner à un Jdanov qui lui réclame de « la musique du peuple ».

 

 

Après un arrêt inutilement prolongé par Andris Nelsons, visiblement cherchant un effet dramatique – comme si la musique de Chostakovitch ne suffisait pas – les applaudissements enthousiastes et insistants éclatent finalement.

 

Symphonie n° 11 « Année 1905 » : un chef d’œuvre terrifiant d’une glaçante actualité

 

L’ambiance s’alourdit encore après l’entracte. Nous sommes transportés en 1905 devant le Palais d’Hiver à Saint-Pétersbourg, la capitale de l’Empire russe. 100 000 personnes s’y sont réunies pour une manifestation pacifique le 9 janvier 1905. Menées par le très populaire pope Gapone, des familles entières en habits du dimanche convergent vers la résidence de l’empereur à qui elles viennent respectueusement présenter leurs doléances.

 

Le tsar Nicolas II et la famille impériale avaient déjà fui la veille à Tsarskoïe Selo, mais les manifestants l’ignoraient. Ils ne savaient pas non plus que le « père protecteur du peuple » avait laissé tous les pouvoirs aux forces de l’ordre massées aux abords du palais. Dépassée par l’ampleur de la manifestation, la garde impériale ouvre le feu. Cette répression meurtrière d’une manifestation populaire, connue sous le nom de « dimanche sanglant », déclenche la révolution de 1905 et s’inscrit dans la mémoire collective comme la rupture du lien sacré entre le tsar et son peuple. La journée sera commémorée dans l’Union soviétique comme l’acte fondateur de la révolution de 1917.

 

Le « dimanche sanglant » revêtait une importance personnelle pour Dimitri Chostakovitch car son père, Dmitri Boleslavich Chostakovitch, figurait parmi les survivants du massacre. Évoquant sa jeunesse, le compositeur (qui naîtra le 25 septembre 1906) disait à son ami et biographe Solomon Volkov : « Notre famille parlait constamment de la révolution de 1905… Ces histoires ont eu un impact profond sur mon imagination. … Ils transportaient sur un traîneau un monceau d’enfants assassinés. … Et les enfants morts souriaient. Ils avaient été tués si subitement qu’ils n’avaient pas eu le temps d’avoir peur ».

 

 

Chostakovitch reçoit la commande pour une symphonie qui commémorerait le cinquantième anniversaire des évènements de 1905, mais les décès fulgurants de son épouse Nina en décembre 1954 et celui de sa mère en novembre 1955, l’en empêchent. Selon Irina Chostakovitch, la dernière épouse du compositeur, c’était finalement la répression sanglante de la révolution hongroise de 1956 qui avait déclenché son processus créatif.

 

Le 23 octobre 1956, 200 000 manifestants se sont rassemblés devant le Parlement hongrois et une délégation étudiante a cherché à entrer dans le bâtiment de la radio nationale pour diffuser les revendications adressées au gouvernement. Les étudiants seront arrêtés et la police politique ouvrira le feu contre la foule qui exigera leur libération. Dans la nuit, les protestataires renversent les statues de Staline, incendient les voitures de police et vandalisent les symboles du régime communiste.

 

Dépassé, le gouvernement hongrois fait appel aux troupes soviétiques qui se trouvent dans des casernes en province. Le 24 octobre à 2h du matin, 290 chars et 6000 soldats de l’Armée rouge entrent dans Budapest. Le lendemain, les manifestants, y compris femmes et enfants, investissent la place Kossuth devant le Parlement hongrois, demandent la libération de l’emprise soviétique et fraternisent avec les soldats de l’Armée rouge, jusqu’à ce que celle-ci, sous les ordres du général Ivan Serov, le chef du KGB, tire sur la foule et tue plusieurs centaines de manifestants.

 

 

Horrifié par les parallèles qu’il observe entre la répression de 1905 et celle de 1956, Chostakovitch écrit la Symphonie n° 11 autour de la répétition des barbaries perpétrées par des tyrans, tout en dissimulant sa critique du régime derrière un chapelet de chansons populaires et révolutionnaires instantanément reconnaissables par le public soviétique des années 1950. A la création de la Onzième le 30 octobre 1957, certains connaisseurs – parmi lesquels Alexandre Soljenitsyne – remarqueront que Chostakovitch s’était « vendu au régime » et à en juger par le prix Lénine décerné au compositeur en 1958, le régime y a cru aussi.

 

En revanche, ses proches ont su lire entre les lignes sa critique voilée. Son ami, le violoncelliste Mstislav Rostropovitch, a décrit la n° 11 comme « une symphonie écrite dans le sang … Inlassablement tragique … [qui] ne parle pas tant de 1905 ou de 1956, peut-être, que de la tendance tragique persistante des événements humains ». La poétesse Anna Akhmatova a comparé l’effet des chansons citées aux « oiseaux blancs volant dans un ciel noir » et le fils du compositeur, Maxim, a demandé : « Papa, vont-ils te pendre pour cela ? ».

 

Andris Nelsons dirige le Boston Symphony Orchestra avec précision et urgence et leur interprétation est remarquablement captivante. Dès les premières notes, les spectateurs sont entraînés dans une vaste fresque historique qui se déroule en quatre tableaux sans interruption, comme un film que l’on regarderait les yeux fermés.

 

 

Dans La Place du Palais, les cordes aiguës et lointaines créent une ambiance glaciale évoquant les brumes qui se lèvent sur la Neva et la neige qui craque sous les pas de la foule qui s’amasse devant le palais impérial. Les appels des vents alourdissent encore la menace qui pèse sur ces innocents qui s’avancent en hissant des portraits du tsar, brandissant des icônes et chantant Que Dieu protège le tsar. Le thème central du premier mouvement, réitéré tout au long de l’œuvre, est une vieille chanson révolutionnaire « Ecoute ! » qui comporte la ligne « Comme un acte de trahison, comme la conscience d’un tyran, la nuit est noire ». Les basses introduisent le deuxième thème, la chanson  « Prisonnier », qui compare la Russie tsariste (ou staliniste, selon la lecture choisie) à une gigantesque prison.

 

Concentré et efficace, Nelsons crée une belle tension narrative qui naît d’une souffrance pétrie d’espoir du peuple rassemblé, et progresse, dans le tableau intitulé le 9 janvier, vers une inéluctable trahison qui précédera une sanglante confrontation. La foule avance sur le fond des Dix poèmes pour chœur de 1951 de Chostakovitch et deux chants populaires. Le premier exprime la pétition que les manifestants veulent présenter au tsar : « Ô toi, notre Tsar, petit père regarde autour de toi. Ne vois-tu pas que la vie nous est devenue insupportable ? », tandis que le deuxième, « Découvrez-vous », enfle comme une vague d’indignation populaire et finit par s’écraser contre le mur de la violence des troupes tsaristes qui arrivent à grand renfort de cuivres et de percussions. L’apocalyptique scène du massacre, sans doute la plus féroce dans la musique symphonique, commence avec la caisse claire qui imite le bruit d’une mitrailleuse, monte dans une frénésie de cordes évoquant la panique d’une foule compacte qui cherche désespérément à se disperser, et explose dans un vacarme fracassant.

 

Le néant remplace ce qui a été. D’un geste assuré, Nelsons sculpte un silence sinistre et tellement riche en détail que l’on sent le sang refroidir dans la neige et on entend la nuit recouvrir les corps avec la douceur réservée à ceux qui n’ont plus rien à craindre. De cette dévastation se lève le sublime troisième mouvement Mémoire éternelle, un requiem pour les morts, basé sur la marche funèbre révolutionnaire « Vous êtes tombées victimes » jouée aux obsèques de Lénine. Le mouvement atteint son apogée avec le rappel du massacre du 9 janvier, comme si les morts criaient à la vengeance.

 

 

Le dernier mouvement, le Tocsin, est un appel aux armes. Il s’ouvre sur le chant révolutionnaire « Enragez, tyrans » chanté par les Polonais contre l’invasion russe de 1863. Une autre référence personnelle du compositeur dont le grand-père polonais a été exilé en Sibérie pour avoir participé à cette insurrection. À la fois un avertissement et une expression de défiance et de fureur « Honte, honte, honte à vous, tyrans » déferlent au rythme de marche inexorable, soutenus par la célèbre « Varsovienne », devenue l’hymne anarchiste pendant la guerre civile espagnole. Après un long gémissement plaintif du cor anglais et juste avant le son des cloches qui marque la fin de la Onzième, Chostakovitch ajoutera une série de cinq notes martelées à plusieurs reprises. Ce sont les derniers vers de « Enragez, tyrans » que le public soviétique connaissait par cœur : « Mort aux tyrans ! »

 

Le public bouleversé accueille avec une ovation debout cette puissante performance d’une œuvre exceptionnelle et effrayante d’actualité.

 

Visuels : © Jens Gerber