Auteur, directeur des éditions photographiques Corridor Eléphant et ayant fait sa transition il y a vingt ans, Axel Léotard publie un deuxième livre aux éditions La Musardine après Osez… changer de sexe (2013). Avec un recul sociologique et historique précieux, il met en perspective la place et le traitement des transidentités en France et en Europe.
Né en 1969, Axel Léotard est « né femme » et devenu un « homme trans » au cœur des années sida, à un moment où l’on parlait encore de transsexualisme et où la transition passait par une thérapie de conversion et une stérilisation.
Sur ces deux derniers points, son témoignage est extrêmement précieux. Axel Léotard fait réfléchir au fait que, même vingt ans après sa transition, un juge peut demander une batterie d’expertises psychologiquement lourdes et financièrement coûteuses pour accéder à une demande de changement d’état civil. Certes, depuis la loi du 18 novembre 2016 (art 56), il n’y a plus nécessairement besoin d’être opéré pour changer de sexe, et si le suivi psychologique devrait avoir pris ses distances avec la « conversion », on est encore loin de la fluidité des genres. Et les questions de l’accompagnement, de l’encadrement, comme celle de la prise en charge par la santé publique, se posent encore avec acuité.
D’autant plus qu’une certaine presse conservatrice monte en épingle les 40 à 50 cas de transition en France par an, dramatise les chiffres et l’âge de la population visée qui serait très jeune. Et que, là où les années sida et Act-Up ont été fondateurs dans la dissémination dans l’espace public de la notion de genre, depuis dix ans, des rivalités fortes existent dans les mouvements LGBTQI. Certaines féministes « TERF » (Trans-Exclusionary Radical Feminist) refusent par exemple de considérer les trans man to woman comme des femmes. Le présupposé biologique semble encore l’emporter dans beaucoup de milieux sur la liberté que prône Axel Léotard : « La transidentité est protéiforme, à combinaisons multiples, elle affirme la réappropriation de nos corps. »
Avec un travail historique qui remonte à l’Antiquité, un lexique très pédagogique et une écriture claire et inclusive dans tous les sens du terme, l’auteur nous livre ses conclusions un peu pessimistes sur l’histoire volée des transidentités et, ce faisant, il livre des clés pour dépasser certains blocages. L’ouvrage est limpide et fait réfléchir, on regrette peut-être seulement que la culture, pop et classique, ne soit pas mobilisée pour nous aider à penser plus finement une réappropriation en chemin.
Axel Léotard, Transidentités, Une Histoire volée, La Musardine, 175 p., 18 euros, Sortie le 17 mai 2023.
Visuel © Couverture du livre