Si Tous des traîtres et Petite sale n’ont a priori pas grand chose en commun, le talent de leur narration et le suspense qui en émanent en font deux très bons moments de lecture.
Après la parution de Vénus Privée, les éditions Gallmeister publient la réédition de la tétralogie centrée autour de Duca Lamberti, ancien médecin condamné pour avoir pratiqué l’euthanasie sur une femme en phase terminale. Dans cette nouvelle traduction signée Laura Brignon, le deuxième volet des aventures de Duca Lamberti s’ouvre par une scène forte : une fille pousse dans un canal une voiture contenant deux personnes « ramollies par leur gros repas et leur âge avancé ». Accident à première vue pour la police italienne… Mais Duca Lamberti en doute. Des soupçons qui conduiront notre détective à s’embourber dans de sombres histoires de trafic, et à se replonger dans son passé. Précédé d’un avertissement (« Ce roman a paru en Italie en 1966. Il est à lire dans le contexte de l’époque. »), Tous des traîtres fut récompensé du Grand Prix de littérature policière, sûrement grâce à son intrigue enlevée et à son style littéraire qui fait une grande partie de son charme.
À la même époque, mais cette fois-ci en France, se tient l’intrigue de Petite sale de Louise Mey. À la fin des années 1960, dans un village de l’Aisne, Catherine, bonne tout à fait faire au sein d’un grand domaine exploité par Monsieur Delest, survit. Elle qui ne fait pas assez propre sur elle est reléguée aux tâches ingrates. La routine vient se briser lorsque la petite-fille de Monsieur Delest est enlevée : la police est envoyée pour trouver les kidnappeurs, d’autant plus que la rançon demandée mettrait à mal les richesses du Domaine. De cette ambiance grisâtre et pesante, Louise Mey tire un polar percutant, réussi notamment par sa peinture d’une France d’autrefois, mais pas si lointaine. Il y a quelque chose de Claude Chabrol dans les rapports de domination et de classe qui courent à travers le livre (on pense à La Cérémonie, l’adaptation cinématographique de L’Analphabète de Ruth Rendell). Chez Louise Mey, on frissonne de froid, on marche dans la boue, on avance dans le brouillard. Un très bon roman policier où l’atmosphère prend le pas sur l’intrigue policière elle-même.
Tous des traîtres, Giorgio Scerbanenco, nouvelle traduction de l’italien par Laura Brignon, Éditions Gallmeister, 304 pages, 11 €
Petite sale, Louise Mey, Points Policier, 360 pages, 8,90 €
Visuel : © Couverture de Tous des traîtres