Avec « Sortir du ventre du loup » aux éditions La Ville Brûle, Charlotte Melly met en formes, en couleurs et en mots le parcours de combattante du Petit Chaperon Rouge. La première planche nous interpelle : « Est-ce que tu t’es déjà demandé ce qu’il se passe après, dans la vie du petit chaperon rouge, une fois qu’elle est sortie du ventre du loup ? » Avec un juste mélange de mots et d’images, l’autrice crée un album bouleversant dans lequel elle explore les traumatismes de violences sexuelles subies dans l’enfance. Le cœur lourd, on suit la reconstruction fastidieuse de cette petite fille.
Loin du rouge éclatant qu’on lui connaît, le Petit Chaperon Rouge de Charlotte Melly est blanc. Blanche d’apathie, de tristesse et de peur, la petite fille se renferme sur elle-même. Cette silhouette vidée de couleur est d’autant plus considérable qu’elle est entourée d’une large palette de couleurs comme les verts et noirs de la forêt et des loups ou les rosés et orangés de l’espoir et de la protection. La recherche de sécurité face à cette peur du loup sillonne le récit : une voiture dans laquelle se confiner, un casque de musique pour faire taire les bruits de la forêt, une peau d’âne pour la traverser, un câlin de sa maman… toutes les solutions sont recherchées dans ce parcours post-traumatique de violences sexuelles, mais rien n’y fait.
De l’immense tristesse, à l’envie de disparaître, en passant par à un désir de vengeance, ce Petit Chaperon Blanc essaie même de devenir le Petit Chaperon Noir. Mais le mal de ventre, la honte et la peur ne disparaissent pas pour autant. La douleur d’être l’habite de l’intérieur et de l’extérieur. Les belles peintures que déclinent l’illustratrice nous font traverser les hauts et bas de cet après-loup qui reste pourtant de manière omniprésente, oppressante et nauséeuse. Le combat fastidieux contre cette présence dans son corps, sa réalité, ses rêves et ses sens. Comme un véritable baume au cœur, la petite fille s’évade dans des possibilités d’astronaute ou de chasseuse de loups. La fenêtre de l’imaginaire ouvre des horizons d’espoir et de bien-être : les couleurs y sont chatoyantes, douces et éclatantes.
Au travers de son premier roman graphique seule, Charlotte Melly donne voix à la parole d’enfants si souvent silencié.e.s. Par ce blanc anonyme, c’est aussi une possibilité d’identification et de projection qu’offre l’illustratrice. En esquissant les difficultés d’une reconstruction qui se solde par une matérialisation du corps du personnage enfin dessiné, toute la complexité et la profondeur des sentiments humains est nuancée.
Portée par la belle maison d’édition La Ville Brûle, cette œuvre esquisse un récit intime nécessaire et est en librairies à partir du 4 avril !