Avec ce nouveau roman, Loïc Merle nous fait le cadeau d’un cocon pour abriter les fantômes qui habitent nos nuits de paralysie et d’errance, de croyances et de doute, de magie et de ténèbres.
Il est des drames que toutes les enquêtes judiciaires du monde ne parviendront jamais à complètement expliquer. Il est des évènements historiques que toutes les recherches des plus grands historiens ne parviendront jamais tout à fait à éclairer. Il est des matchs que toutes les vidéos HD ne parviendront jamais à faire revivre avec la même intensité. Mais il est des contrées intérieures que la littérature peut tenter d’approcher.
Provinces de la nuit est un roman hybride, peuplés de fantômes. Celui du premier amour d’Ismaël, ceux des générations qui nous ont précédés, ceux des victimes des attentats de 2015, ceux des terroristes qui leur ont ôté la vie, ceux du passé de l’auteur lui-même. On y croise, comme autant d’apparitions, un professeur d’histoire perclus de doutes, des stars du ballon rond, un promoteur immobilier peu scrupuleux, une jeune provinciale les pieds sur terre, un Khaled Kelkal en cavale, etc. Certains se rencontrent, d’autres se télescopent. Ils entrent surtout en collision, presque en résonnance, avec nos propres souvenirs. Et Loïc Merle de nous proposer rien d’autre que son aide pour nous frayer un chemin dans cette nuit noire, pour tenter de nous extraire de ce territoire que sont les Provinces de (nos) nuit(s).
Dans une langue puissante qui s’enroule autour de vous, au risque parfois de vous étouffer, Loïc Merle dresse une fresque bouleversée de notre temps présent mais éclairée à la lueur du passé. Provinces de la nuit est autant un livre mémoire qu’un livre commémoratif qui rend hommage à nos coups d’éclat comme à notre part d’ombre. Il permet surtout de satisfaire ce besoin, que tout le monde éprouve un jour, “d’un refuge, d’un endroit à soi où on n’est pas toujours soldat”.
Loïc Merle, Provinces de la nuit, sortie le 23 août 2023, Paris, Actes Sud, 336 p., 22,90 euros.
Visuel : couverture du livre.