« Persuasion » de Jane Austen : Prendre son mal en patience

Dans une période difficile marquée par la faillite de son frère Henry et par le naufrage de son frère Charles qui lui couta sa carrière (mais pas sa vie), Jane Austen écrit Persuasion. Dernier roman de l’autrice britannique, rédigé en 1815 et 1816 et publié à titre posthume en 1817, Persuasion est souvent considérée comme l’une des œuvres phares d’Austen, à placer à côté d’Orgueil et préjugés, d’Emma et de Raison et sentiments. On a longtemps glosé sur le titre, Persuasion (« voyant dans ce mot si souvent employé au cours du roman, son ambiguïté longuement exploitée, le centre et le but d’une démonstration » nous explique Christine Jordis dans son éclairante préface), alors qu’il n’aurait peut-être pas été choisi par Austen elle-même.

Persuasion est avant tout le roman d’un amour contrarié. Celui d’une jeune femme, Anne, qui a refusé les avances d’un jeune et bel officier, Frederick Wentworth, sur les conseils malavisés de Lady Russell, une mère de substitution. Si Anne rencontre Wentworth alors qu’elle n’a que dix-neuf ans, il lui faudra attendre sept années pour croiser à nouveau au cours de l’été 1814 celui qui est devenu un autre homme.

Car Persuasion a beau être un roman d’amour, il est également un roman des conventions sociales de son époque, et de l’importance de l’argent qui plane dans toutes les interactions des personnages. Wentworth a beau être agréable à regarder et sympathique, il n’en est pas moins un « nobody » puisque sans le sous. D’un autre côté, Jane Austen peint une Anne qui se laisse facilement marcher sur les pieds, profondément mal-aimée par son père au détriment de sa magnifique sœur Mary. Une vie marquée, selon Christine Jordis, par la douleur, la privation et la frustration.

Cette réédition Folio, collector, présente une longue et abordable préface dans laquelle Christine Jordis revient en détail sur l’œuvre : l’importance de l’automne, l’évolution du regard de Jane Austen sur le sentiment amoureux, la définition de la « persuasion », etc. À la fin du livre se trouvent également une chronologie, des notes explicatives et des annexes.

« Il restait à savoir si les sentiments de naguère allaient pouvoir renaître. Le passé, à n’en pas douter, allait s’imposer au souvenir de l’un comme de l’autre. Impossible d’éviter un retour en arrière. Impossible aussi pour lui de ne pas mentionner l’année de leurs fiançailles au détour de petits récits ou de courtes descriptions suscités par l’entretien. Sa profession l’autorisait à parler, son tempérament l’y poussait. »