À la recherche d’un livre qu’on lui a volé, le narrateur s’enfonce dans une enquête tortueuse autour d’un roman publié à la fin des années 1980 aux Editions de Minuit, L’Eté, deux fois de Christian Costa.
Attablé à un café proche du Palais de Justice de Rouen, le narrateur et auteur, Fabrice Chillet, s’absente quelques instants pour une « pause technique ». A son retour, stupéfait, il se rend compte que sa lecture du moment a disparu. L’Eté, deux fois, de Christian Costa, ne figure plus sur sa table. Passablement énervé par cet incident, Fabrice Chillet décide de se procurer à nouveau le livre afin de terminer sa lecture. Apprenant que celui-ci est épuisé, et que le site des Editions de Minuit fournit de maigres informations sur l’auteur comme sur son unique ouvrage, Fabrice Chillet est amené à se rapprocher d’un mystérieux Guillaume Daban.
L’intelligence de N’ajouter rien tient d’abord à sa façon de brouiller le réel et l’inventé. Publié aux Editions Bouclard dans la collection Tout est vrai ou presque, le livre flirte avec le vraisemblable et la vérité, se permettant de citer Jules Verne en exergue : « Cette histoire n’est pas fantastique, elle n’est que romanesque. Faut-il en conclure qu’elle ne soit pas vraie, étant donné son invraisemblance ? Ce serait une erreur. » (Le Château des Carpathes).
Si le roman se présente au départ comme une enquête littéraire, et Fabrice Chillet comme un Indiana Jones à la recherche d’un livre perdu, N’ajouter rien débouche finalement sur une belle histoire d’amitié. Car cet étrange Guillaume Daban apparaît comme le gardien du temple de l’œuvre de Christian Costa, étant même parvenu à acheter aux Editions de Minuit le stock entier des exemples de L’Eté, deux fois. Forcé de nouer un lien avec Daban, Chillet apprend à connaître un homme et son obsession. Et l’auteur de nous dire par là qu’au-delà de l’importance des textes, c’est avant tout ces hommes et femmes réunis autour des textes aimés qui comptent.
« En littérature, les histoires de manuscrits perdus sont un lieu commun. Les livres, devenus objets de désir, engendrent un supplément d’imaginaire et d’aventure. On entame des quêtes et des enquêtes. On s’engage dans des poursuites, des duels. Contrepoint apparent, les histoires de manuscrits retrouvés sont aussi peu singulières. Les deux recettes se valent. Avec Daban, pour une fois, le même homme était à la source de la disparition et du retour de l’œuvre. Comme s’il avait prémédité et administré la perte pour profiter davantage de la satisfaction de devenir le sauveteur et le protecteur du texte. Enfin, une variation originale. »
N’ajouter rien, Fabrice CHILLET, Editions Bouclard, 136 pages, 19 €