Trois ouvrages sur la capitale française construisent une image fantasmée de Paris, un temps révolu et mythique.
Gallimard avait déjà proposé un premier Quarto consacré à notre prix Nobel de littérature, intitulé sobrement « Romans ». Une sélection réalisée par Modiano lui-même en 2013 qui remarquait en Avant-propos : « Je croyais les avoir écrits de manière discontinue, à coups d’oublis successifs, mais souvent les mêmes visages, les mêmes noms, les mêmes lieux, les mêmes phrases reviennent de l’un à l’autre, comme les motifs d’une tapisserie que l’on aurait tissée dans un demi-sommeil ». Ce premier Quarto réunissait alors les romans les plus connus du romancier : Dora Bruder, Rue des boutiques obscures, Dans le café de la jeunesse perdue…
Une dizaine d’années plus tard, rebelote. Quarto donne de nouveau la possibilité au Nobélisé de sélectionner des textes, tous centrés autour de la capitale française : De si braves garçons, Quartier perdu, Du plus loin de l’oubli, Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier… Intitulé « Paris des jours et des nuits », ce Quarto s’inscrit dans la matérialité de Paris, « non par un souci de réalisme ou de vérité, mais il me semblait que plus les détails seraient précis, plus à partir d’eux le rêve pourrait se développer ».
On retrouvera donc dans ces romans les obsessions de Modiano, et notamment le Paris de l’Occupation. À l’heure actuelle, Modiano est peut-être le plus parisien de nos auteurs, tant ses textes sont truffés de noms de rue, d’arrondissements, de quartiers. On s’interroge toujours sur le côté réel de ce Paris, et sur son côté fantasmé, « une mystérieuse alchimie que provoque le souvenir ». On aura donc ici des affaires d’agendas retrouvés (Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier), une enquête presque policière qui peut rappeler la minutie de Dora Bruder (Encre sympathique), une femme qui croit reconnaître dans le métro sa mère disparue (La Petite Bijou)… Il faut lire Modiano, aimer prendre son temps et s’enliser dans un Paris perdu.
Ce beau livre publié par Gallimard a retenu Modiano pour la lettre M, lui dont Jean-Noël Mouret écrit que ses romans sont « autant d’enquêtes autour d’un passé incertain, entre détails flous, souvenirs incomplets et lieux indécis ». Préfacé par Antoine Compagnon (« Traverser Paris, c’est déambuler dans la littérature »), le livre offre de A pour Aragon à Z pour Zola un abécédaire du gotha littéraire parisien du XIXème et du XXème siècles. On y croise donc la maison de Balzac dans le 16ème arrondissement, la maison cachée de Romain Gary rue du Bac, le théâtre de la Huchette qui présente encore aujourd’hui les pièces de Ionesco, le Montmartre de Prévert et de son voisin Boris Vian…
Ces courts textes sont accompagnés de photos puisées dans les archives de l’agence Roger-Viollet, créée en octobre 1938 et véritable archive de l’évolution de Paris. Les photos en noir et blanc montrent un Paris sans voitures, avec sa Seine immuable et ses bars du quartier Saint-Germain.
Plus original, l’Atlas inutile de Paris de Vincent Périat publié aux éditions Le Tripode régalera les lecteurs parisiens en mal de « fun facts » sur la capitale. Tout commence par de longues balades de l’auteur dans cette magnifique, puis une soif d’en apprendre toujours plus et de dénicher des histoires bizarres, des anecdotes inutiles qui vous feront briller en société. En cent cartes, Vincent Périat nous prend la main pour nous cartographier l’histoire de Paris, mais aussi son actualité.
On apprendra ainsi que le 10 septembre 1896, une tornade s’est formée au jardin du Luxembourg et, dans sa course, a emporté la vie de cinq personnes. Que 80 % de l’électricité parisienne est d’origine nucléaire. Qu’Hitler a visité une seule fois Paris, le 23 juin 1940, et ce, en trois heures à peine. Que les installations à Paris des provinciaux dans les années 1920 se fait souvent par quartier. Etc. Toutes ces informations sont appuyées par une solide bibliographie présente en fin d’ouvrage.
Paris des jours et des nuits. Romans, Patrick MODIANO, Gallimard, Quarto, 1024 pages, 27 €
Un abécédaire littéraire parisien, d’Aragon à Zola. Préface d’Antoine COMPAGNON de l’Académie française. Textes de Jean-Noël MOURET, Gallimard, Hors-série littérature, 120 pages, 26 €
Atlas inutile de Paris, Vincent PERIAT, Editions Le Tripode, 128 pages, 15 €
Illustration : © Quarto Gallimard