L’écrivain voyageur a parcouru fin 2022 l’Iran pendant 40 jours. Il nous offre un regard irremplaçable sur l’Iran, sur la répression et sur le courage du peuple iranien.
François-Henri Désérable voulait la faire depuis longtemps cette traversée de l’Iran. Sur les traces de son héros, Nicolas Bouvier, dont le livre, l’Usage du monde, a marqué sa jeunesse. Il part pour Téhéran fin 2022 malgré les plus grandes réserves du ministère des Affaires étrangères. L’auberge à Téhéran est cosmopolite mais les occidentaux sont absents. Très vite, il le constate, la peur est toujours là, mais le courage est encore plus fort. Les Iraniens redoutent les Bassidjis et surtout la prison. L’auteur nous décrit Ispahan, Chiraz la ville des poètes, Abarkouh et son cyprès vieux de quatre mille ans. Il traverse le redoutable désert de Lout et passe par Keshit, une oasis à la magnifique citadelle antique. Le voyageur part à la rencontre du peuple iranien. Niloofar, une étudiante lui présente «l’écho de Téhéran »: elle crie « Mort au dictateur » et le slogan se propage dans la ville, repris par des passants ou depuis les fenêtres. Une autre étudiante, Firouzeh monte sur la montagne pour réaliser et poster une vidéo. L’auteur rencontre Amir et sa haine des mollahs. Amir qui eut le courage lors de son service militaire de crier «Mort au dictateur» après le suicide de son ami. Le périple se termine au Kurdistan iranien, là où tout a commencé lors des obsèques de Masha Amini. Masha Amini qui, dans tout le pays, est plus connue que Cyrus le Grand ou Darius! Là où est né le slogan «Femme vie liberté».
Ce livre est d’abord un carnet de voyage, le carnet d’un écrivain-voyageur. François-Henri Désérable aime voyager, il aime l’Iran, ses paysages, ses villes, son peuple . Il nous donne un témoignage précieux sur un pays totalement fermé aux journalistes. Un témoignage basé sur des rencontres spontanées et des scènes de la vie quotidienne. Il n’a croisé qu’un seul soutien au régime, Yassin le professeur à la retraite. Lorsque l’équipe iranienne affronte celle des USA lors du mondial de football, la ville reste déserte. Le mondial est boycotté par les Iraniens, leur équipe nationale étant compromise avec le régime.
Ce livre est engagé politiquement. François Henri Désérable fait sien ce slogan «derrière chaque personne qui meurt battent mille autres cœurs». Il dédie son livre aux Iraniennes «vent debout cheveux au vent». Il ramènera de voyage cette superbe image d’une jeune femme dansant cheveux au vent lors des fiançailles de sa sœur, bravant ainsi deux interdits. Mais, il ne peut dire au terme de son voyage s’il s’agit d’une révolte ou d’une révolution.
L’usure du monde est un livre très agréable à lire et surtout très instructif sur la situation iranienne actuelle.
François Henri Désérable, l’Usure d’un Monde : Une traversée de l’Iran, Gallimard, 160 pages, 16 Euros, sortie le 04 05 2023
Visuel (c): Couverture du livre, éditions Gallimard