Livres

« L’ouragan Lolita (Journal 1958-1959) » de Véra Nabokov : Réception d’un chef-d’œuvre

par Julien Coquet
01.12.2023

En parallèle du Cahier de l’Herne consacré à Vladimir Nabokov, les Editions de l’Herne publient un journal tenu par la femme de Nabokov entre juin 1958 et août 1960, retraçant le parcours de Lolita.

Dans Triste tigre, événement de la rentrée littéraire (prix Goncourt des lycéens, prix littéraire Le Monde…), Neige Sinno écrit de justes pages sur le chef-d’œuvre de Nabokov, Lolita : « Le livre est écrit de telle façon que le lecteur soit le témoin du double jeu permanent de la conscience perverse qui transforme les éléments du réel pour les adapter à la justification de son fantasme. Pourtant, beaucoup de gens prennent l’absurde à la lettre. Ils imaginent eux aussi une Lolita dévergondée, intéressée par son beau-père, jouant à la provoquer, cherchant le contact délibérément. » Même Mylène Farmer n’était pas dupe en signant les paroles « Moi… Lolita » chanté avec succès par Alizée en 2000.

Entre juin 1958 et août 1960, la femme de Nabokov, Véra Nabokov (loin d’être une épouse fantôme comme on nous l’a fait longtemps croire) tient un journal, accompagné de quelques notes de son mari. C’est un moment décisif qui se joue pour le couple, une publication qui va changer le cours de leur vie, bien que Nabokov ait déjà publié avant. Véra se réjouit d’ailleurs que le talent de son mari soit enfin reconnu à sa juste valeur.

Très descriptif, le journal nous fait voir le quotidien d’un couple pris dans la tourmente du succès. Sans oublier le quotidien (les échanges de nouvelles avec leur fils Dimitri, les déplacements en voiture pour chasser les papillons), le journal nous fait surtout remonter les discussions avec les éditeurs de nombreux pays, les journalistes, les photographes et les fans. On y découvre également un portrait de l’Amérique de la fin des années 1960, avec ses motels, l’antisémitisme décomplexé de certains et la peur de renforcer celui-ci (« je déteste les gens qui « se mettent en avant », et voir des Juifs le faire me dégoûte encore plus – car notre honneur nous oblige à ne pas cautionner le préjugé selon lequel il s’agirait là d’un trait typiquement juif. »), les trajets en voiture ou en avion qui prennent tant de temps, les lettres et télégrammes dont on attend de rapides réponses, etc.

« Les interviewers – tous sans exception – ont certains traits en commun. Tous désirent savoir des choses que l’on pourrait classer dans les catégories suivantes : 1. L’auteur et Lolita. Que ressentez-vous face à (a) une critique négative, (b) l’impact qu’elle a ? Certains demandent aussi : (c) Considérez-vous qu’il s’agit d’un succès, du point de vue de la création ? (2) L’auteur et les autres auteurs : ceux qu’il aime, n’aime pas, Le Docteur Jivago. (3) L’auteur et l’Amérique. (4) L’aspect financier de la chose. »

L’Ouragan Lolita (Journal 1958-1959), Véra NABOKOV, Editions de L’Herne, 128 pages, 14 €

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