Les Guerres précieuses, premier roman de Perrine Tripier, et Tout ce qui nous était à venir, de Jane Sautière, traitent tous deux de la vieillesse d’une manière différente, mais à chaque fois depuis le point de vue d’une femme.
Le premier roman de Perrine Tripier, publié en 2023 chez Gallimard, trouve un nouvel écrin avec sa parution en Folio. Les Guerres précieuses, remarqué dès sa sortie et notamment lauréat du prix Aznavour des Mots d’Amour 2023, offre la parole à une vieille femme habitant dans un EHPAD (« Vieillir, n’est-ce pas troquer son être vivant pour un être préparé à mourir ? »). Les journées sont longues et monotones. Isadora ne peut que se remémorer les jours heureux qu’elle a passées dans la grande maison de son enfance car « le passé était la seule chose qui valait la peine que [la] vie soit vécue ». C’est de cette maison dont Isadora est amoureuse, une large bâtisse à plusieurs étages et au jardin luxuriant. Proche du paradis.
La jeune autrice (24 ans) se coule parfaitement dans les habits d’une vieille femme nostalgique. Le roman, découpé en quatre saisons, narre les nombreux moments heureux qu’Isadora vécut avec ses frères et sœurs et ses cousins, sous le regard bienveillant de Petit Père et de Petite Mère. À l’enfance heureuse succèdent les premières désillusions et les premiers chagrins : énamourée de cette maison, Isadora choisit de ne pas construire de vie, de ne pas se marier, et d’opter pour la solitude. Un roman délicat, où il ne se passe pas grand-chose, porté par de petites touches permettant d’obtenir de réelles sensations proustiennes.
Si le roman de Perrine Tripier se place du côté de la fiction, le court texte de Jane Sautière, publié lui aux Éditions Verticales, opte pour la forme autobiographique. Née en 1952, Jane Sautière raconte ce que vieillir veut dire. Très imagé, Tout ce qui nous était à venir permet de comprendre physiquement ce qu’est la vieillesse, une période de la vie énormément portée sur les souvenirs : « Notre passé est une constellation d’étoiles mortes dont la persistance de la lumière ne nous leurre pas. »
L’autrice raconte ses luttes (notamment pour les droits des migrants), son vocabulaire qui s’adapte (« Nous avons dit j’ai pris un coup de vieux et l’expression elle-même est datée »), le questionnement de ce qu’on laisse derrière soi, les oublis de plus en plus fréquents, la difficulté à faire certains gestes, etc. Un témoignage émouvant.
Les Guerres précieuses, Perrine TRIPIER, Folio, 224 pages, 8,30 €
Tout ce qui nous était à venir, Jane SAUTIÈRE, Éditions Verticales, 96 pages, 10 €
Visuel : (C) Couverture Folio de Les Guerres Précieuses – A blue Butterfly (C) Sarah Jarrett