L’autrice du best-seller L’Amande, Nedjma, signe son grand retour avec un roman à la hauteur de son écriture sulfureuse.
De Nedjma on sait très peu de choses, si ce n’est qu’elle se présente comme « une maghrébine d’une cinquantaine d’années, moitié berbère, moitié arabe, célibataire ». Aucune photo, pas de nom. Même son entourage n’est pas au courant qu’elle écrit et bien par-dessus le marché ! L’Amande, son premier roman, s’est vendu dans 26 pays et il y a fort à parier que l’histoire se reproduise avec ce second opus.
Les Coquelicots nous met sur la route de Zahra, « dinde grassouillette et timide, fille unique d’un maître d’école et d’une postière » établis à Bab el-Oued. Très vite, Zahra quitte la maison familiale et s’en va, mari au bras, rejoindre Tunis et ses habitants « au palais rétamé par la harissa nationale ». Le début d’un long voyage qui va la conduire des territoires obscurs d’Internet jusqu’à la Patagonie, en passant par Casablanca et Paris. Le début surtout d’une longue traversée dans les remous de l’obscurantisme religieux et du sexe plus ou moins virtuel.
Car c’est là la signature de Nedjma : déminer à coup de scalpel les tabous les plus gênants en terre musulmane… et pas seulement. Faire l’éloge de la pipe est sans doute subversif, mais plus transgressif encore est d’écrire sur les sujets qui fâchent. Partout et tout le temps. La pauvreté qui pousse à servir le plus offrant, la faim d’amour que n’étanche pas les coups d’un soir, la domination masculine qui cherche à « écraser à coups gourdins [les femmes] pour échapper à leur morsure fatale » comme le manque de solidarité entre dominées. Nedjma ne nous épargne rien. Elle nous met face à nos propres contradictions, découvre pour nous « la force de ceux qui n’avaient plus de visage à scruter dans le miroir » pour que nous continuions à nous regarder en face. Une fessée, une claque jouissive !
Nedjma, Les Coquelicots, sortie le 24 août 2023, Paris, Plon, 256 p., 22 euros.
Visuel : couverture du livre.