Ce recueil de dix-huit nouvelles livre des histoires inégales, dont la majorité se déroule dans des lieux déjà explorés au cours de l’œuvre d’Ann Leckie.
Anne Leckie est une autrice de science-fiction culte. La Justice de l’ancillaire, premier tome des Chroniques du Radch, a remporté le prix Hugo du meilleur roman, le prix Nebula du meilleur roman, le prix Arthur C-Clarke et le prix Locus du meilleur premier roman. En littérature blanche, c’est comme si un roman recevait le Goncourt, l’Interallié, le Femina et le Médicis en même temps. Un quarto gagnant, donc. Les Editions J’ai lu, sous leur marque Nouveaux Millénaires, publie un recueil de dix-huit nouvelles d’Ann Leckie, découpé en trois parties. Une première rassemblant divers textes, une deuxième comportant trois nouvelles de l’univers des Chroniques du Radch, et une dernière de sept nouvelles de l’univers de La Tour du Freux. On peut lire les deux dernières parties sans avoir lu les romans s’y afférant.
Comme tout recueil de nouvelles, Le Lac des âmes présente des nouvelles inégales. La première nouvelle, « Lac des Âmes », offre une richesse d’interprétation et une profondeur de réflexion sur les liens que peuvent nouer deux mondes a priori irréconciliables. « Le camp en péril » se penche sur des dinosaures ayant à peine quitté la planète Terre et assistant depuis leur vaisseau spatial au crash d’un astéroïde sur leur foyer. Une nouvelle qui peut rappeler le dernier roman de Liu Cixin, Des dinosaures et des fourmis, imaginant lui aussi des dinosaures maîtres de la technologie. « Le Lent poison de la nuit » contient lui aussi suffisamment de suspens pour faire défiler les pages de la nouvelle, notamment grâce au concept de « Glu », une sorte de barrière protectrice de la planète Ghaon.
Histoire de goût personnel peut-être, mais avouons que nous avons été moins séduits par les nouvelles de divinités et de personnages aux noms à rallonge, qui se rapprochent bien souvent plus de l’heroic fantasy que de la science-fiction. Émergent du Lac des âmes des réflexions sur l’altérité (le fameux « alien » cher à la SF), la technologie ou la croyance.
« Qu’un million de lecteurs de romans populaires aillent se perdre dans les pages de leurs livres, et qu’ils en sortent rafraîchis et ennoblis par ce qu’ils y trouvent. Mais que ce rêve devienne une réalité – combien de princes d’Hespérie peut-il y avoir ? Il n’y a de place dans l’histoire que pour un seul. Qu’en est-il du reste d’entre nous ? Et si une telle chose est possible, qu’en est-il de la Terre ? Qui pourrait remodeler notre monde par son imagination, et à quelles fins ? »
Le Lac des âmes, Anne LECKIE, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Patrick Marcel, Nouveaux Millénaires, 480 pages, 22 €
Visuel : © Couverture du livre