Dans un ouvrage de recherche accessible et dynamique, Lucia Stella fait danser les concepts de la psychanalyse pour réanimer le lien de mères et de leurs nourrissons. Aussi nécessaire théoriquement que joyeux cliniquement : un travail utile à toutes et tous.
Lucia Stella est Docteure en Psychanalyse et Psychopathologie, mais aussi danseuse et chorégraphe. Pour mener son travail de thèse, cette chercheuse associée à l’Université Paris Cité, a pris part à l’activité d’un service de périnatalité au contact du professeur Bernard Golse. Au sein de ce service, avec ses collègues, elle a tenu un atelier thérapeutique d’un genre novateur, destiné aux mères de jeunes nourrissons, prises dans des difficultés psychiques dans le lien avec leurs nouveaux nés.
Chez les nouveaux nés, les difficultés identifiées sont de l’ordre de la tonicité, de l’accroche du regard. Chez les mères, toute la galaxie des signes associés à la déprime et à l’inquiétude participent à l’orientation de ce duo – dyade – de patients jusqu’au dispositif « Accordanse », qui se « révèle être un dispositif de dépistage précoce et de traitement de la dépression ou du retrait relationnel du bébé. » (p. 16).
Dès lors, on suit l’évolution d’une dyade tout au long de l’ouvrage, et l’on s’enchante de voir comment un nouveau-né distant, et une mère en grande difficulté, finissent par trouver, se trouver, et vivre des moments de joies par le mouvement de leurs corps. Lucia Stella va alors tisser la toile du rapport fin et multiple entre la danse et la psychanalyse, en entendant la danse comme un récit : « Soupape de décharge, source de plaisir, espace guidant la construction de scénarios et le processus de narrativité d’histoires à travers es corps en mouvement. » (p. 22) Pour la psychanalyste et danseuse : « le danseur et le psychanalyste sont tous deux animés par un désir » (p. 29). Elle dessine les contours de la position d’un « danseur-thérapeute » qui « apprend à interpréter les discours du corps ».
Mais l’objectif poursuivi par Lucia Stella et ses partenaires de travail dépasse la lecture d’une danse : il s’agit bien de permettre à deux sujets – une mère et un bébé – de construire et d’investir le lien qui les unit : « nous faisons le pari que la danse peut favoriser le processus d’intersubjectivité » (p. 59). Les uns regardent les autres danser, puis, la danse est partagée, à deux. Et les deux sujets trouvent la voie vers la reconnaissance dans les yeux de l’autre, et la construction d’une intersubjectivité.
Au fil de l’ouvrage, les références psychanalytiques, traditionnelles ou très récentes, voisinent avec les références aux danseurs et aux chorégraphes, comme par exemple l’intervention de Martha Graham qui prévenait : « le geste ne ment jamais » (p. 167). Lire l' »Accordanse » de Lucia Stella est donc une expérience dynamique et passionnante, qui remet en mouvement les corps, les théories, et la possibilité de libérer des subjectivités.
Visuel Eres (c)
Lucias Stella, L' »accordanse » mère-bébé – Un dispsositif de soin et de recherche en périnatalité, Eres, Paris, 2025 – 181 pages