Considérée comme un classique dans les pays germanophones, l’œuvre de Friedrich Dürrenmatt mérité d’être redécouverte, dont ce fabuleux La Promesse.
Dès les premières pages de La Promesse, tout est fait pour retenir l’attention du lecteur et de la lectrice. Sous-titré « Requiem pour le roman policier », le livre s’ouvre comme une nouvelle de Maupassant : un auditeur, ici un auteur de roman policier, se voit confier une histoire réelle qu’il ne fait que retranscrire. Nous voilà donc face au commandant H. qui va dérouler son monologue, et nous conduire par la parole dans une région reculée de Suisse proche de Zurich où, par un temps désastreux, on découvre le corps d’une fillette assassinée au rasoir. Alors qu’il doit partir dans quelques jours prendre de nouvelles fonctions en Tanzanie, le commissaire Matthias, venu annoncer la mort de leur fille aux deux parents, se retrouve à jurer sur le salut de son âme qu’il retrouvera l’assassin. Pris dans cette spirale infernale de la promesse et persuadé que l’assassin peut récidiver, Matthias décide de tendre un piège à l’aide d’un appât. Son stratagème, loin d’être éthiquement viable, ne pourra que conduire à un résultat tragique.
Si la réussite d’un roman devait se compter au nombre d’adaptations cinématographiques, La Promesse s’en tirerait très bien. Notons ainsi Ça s’est passé en plein jour (Ladislas Vajda, 1958) et plus récemment The Pledge de Sean Penn (2001). Le livre se démarque par son climat angoissant et son admirable construction. Le temps de l’enquête, rapide au départ, produit de courts chapitres tandis que le stratagème de Matthias, axé sur la patience, donne des chapitres plus longs et posés. Il est d’autant plus notable que le roman est assez court (moins de 200 pages), et que tout avance vite, sans que Dürrenmatt ait besoin d’utiliser de cliffhangers à chaque fin de chapitre.
« Matthias, dit-il enfant pour clore leur entretien, et sa voix était lasse et amère. Vous tentez l’impossible. Ce n’est pas que je veuille être pathétique. On a sa volonté, son ambition, sa fierté, on rechigne à laisser tomber. Je suis bien placé pour le comprendre. Mais si vous avez l’intention de partir à la recherche d’un assassin qui n’existe très vraisemblablement pas, et que vous ne retrouverez jamais, même s’il existe – parce qu’il y a tellement d’individus de son espèce qui ne passent jamais à l’acte –, là, ça devient délicat. La méthode pour laquelle vous optez, c’est la folie ; je veux bien admettre que ce soit courageux, les postures extrêmes en imposent de nos jours, mais si cette méthode ne vous mène pas au but, je crains qu’au bout du compte, il ne vous reste plus que la folie. »
La Promesse, Friedrich DÜRRENMATT, nouvelle traduction de l’allemand par Alexandre Pateau, Gallmeister, 192 pages, 8,90 euros