Vingt ans après, l’autrice de Kiffe kiffe demain fait revivre son héroïne.
Que lisiez-vous il y a vingt ans ? Si comme moi, vous êtes née à la fin des années quatre-vingt, peut-être faisiez-vous la connaissance de Doria, ado rebelle du 9-3, née dans la banlieue du Paradis de parents marocains ? Avec ce roman du « je », Faïza Guène nous faisait pénétrer à travers les mots, les regards et pensées de sa jeune héroïne, l’univers « des cités ». Elle rencontrait surtout un succès inattendu, mais pas moins mérité tant Kiffe kiffe demain maniait mieux que nul autre la langue du « jeu ». Aussi, si vous faites partie des milliers de lecteurices conquis·es et convaincu·es, nous avons une bonne nouvelle pour vous : Doria est de retour !
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que vingt ans après, Doria n’a rien perdu de son humour corrosif. Elle a désormais 35 ans, des enfants, est au chômage et sur le point de divorcer. Mais cela ne l’empêche pas de continuer de jouer avec les mots, de s’attribuer des notes d’humour, de chausser des lunettes grossissantes sur sa vie de couple, ses errances professionnelles, ses amitiés fragiles, de ne pas les retirer quand il s’agit de s’attarder sur des mondes qui s’entrechoquent ou de donner à voir les discriminations ordinaires.
Personne ne pourra affirmer que Faïza Guène manque d’esprit ou de lucidité. Elles sont peu nombreuses à pouvoir manier les clichés sans elles-mêmes en devenir un. Plus rares encore sont les écrivaines qui apportent la preuve que non, la littérature n’a pas inventé les effets spéciaux à bas coût. Car l’écriture de Guène a quelque chose de cinématographique. Elle nous embarque, caméra à l’épaule, dans les rues et territoires d’Île-de-France. Aussi, ce nouvel épisode d’une série qui en contiendra peut-être d’autres confirme le talent de son autrice-réalisatrice. Mais, si entre aujourd’hui et hier, c’est kif-kif, peut-être que demain il faudra encore davantage réinventer notre langue du « jeu » tout comme nos « jeux » de société ?
Faïza Guène, Kiffe kiffe hier ?, sortie le 21 août 2024, Paris, Fayard, 270 p., 20,90 euros.
Visuel : © Couverture du livre