Folio réédite le chef-d’œuvre exigeant de René Char tandis que Points livre une belle anthologie de la poésie d’Afrique au sud du Sahara.
Écrit en en grande partie alors que René Char résiste dans le Lubéron, Fureur et mystère paraît en 1948. Le recueil s’ouvre par la violence (« L’homme fuit l’asphyxie. ») et se clôt par une note plus légère, amoureuse (« Dans les rues de la ville il y a mon amour. »). Entre, le lecteur parcourra des terres vastes et des thèmes chers à l’auteur. Rarement des vers, surtout de la prose, mais toujours de la poésie. Comme l’écrit Yves Berger dans sa postface : « Aux lecteurs de Fureur et mystère est réservée la découverte d’un vocabulaire qui dessine le portrait d’un homme (un poète) volontaire, énergique, tendu d’impatience, frémissant, à la force considérable et animale. » Pour celles et ceux qui n’auraient jamais lu René Char, il faudra abandonner la prétention de tout comprendre. Se laisser porter par telle image, par telle assonance, par telle trouvaille. Parfois le sens échappera, souvent même, mais ce n’est peut-être pas là ce qui compte. On captera donc des sensations de guerre, d’amour, d’urgence, d’enfance… « Être poète, c’est avoir de l’appétit pour un malaise dont la consommation, parmi les tourbillons de la totalité des choses existantes et pressenties, provoque, au moment de se clore, la félicité. »
La collection Points Poésie, dirigée par Alain Mabanckou, propose ici une riche anthologie de la poésie d’Afrique sub-saharienne, une édition revue et augmentée d’une première édition de 1995. Richesse d’une telle anthologie réunissant 280 poètes de 240 poètes dans 30 langues (français, anglais, portugais, swahili, peul, haoussa…) ; richesse des thèmes abordés également, avec une grande place réservée à la question politique (les migrations, les guerres, le racisme, etc.). L’anthologie donne à entendre des voix connues, comme le malien Amadou Hampâté Bâ, le mozambicain Mia Couto, le sénégalais David Diop (« Le Blanc a tué mon père/ Car mon père était fier ») et même le Prix Nobel Wole Soyinka (Nigeria). Le livre permettra aussi de découvrir de nouvelles voix, dont le plus jeune représentant du volume est le Guinéen Falmarès, né en 2001 (« Je suis ce poète à langue d’oiseau/ Fils d’Afrique lointaine/ Petit-fils de griot et de paysans/ Et descendant premier de Césaire et Senghor »).
Fureur et mystère, René CHAR, préface inédite d’Eric Fottorino, Edition Folio collector pour les fêtes de fin d’année, 240 pages, 10,30 €
Poésie d’Afrique au sud du Sahara (1945-2025), textes réunis et présentés par Bernard MAGNIER, Points, 516 pages, 14,90 €
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