Pour Noël, offrez des classiques. Deux nouvelles traductions de chefs-d’œuvre de la littérature mondiale donnent à revoir Les frères Karamazov de Dostoïevski et Le Bruit et la Fureur de Faulkner, chez Gallimard et Zulma.
Roman somme et imposant, Les Frères Karamazov bénéficie maintenant d’une quatrième traduction signée Sophie Benech, après celle classique de Henri Mongault, disponible chez Folio, celle d’André Markowicz datant de 2022 et celle d’Emma Lavigne parue l’an dernier aux éditions Gallmeister. Dans sa postface « Retraduire Dostoïevski », Sophie Benech évoque « la multitude et la diversité des voix », celles des trois fils Karamazov, celle du père, celle de Madame Khokhlakova, celle du narrateur, etc. Car ouvrir Les Frères Karamazov, c’est faire la connaissance d’un horrible patriarche entouré de ses trois fils, Dmitri, Ivan et Alexeï. Comme l’écrit toujours Sophie Benech : « Pourquoi le Mal existe-t-il, comme y résister, comment accepter la souffrance et l’injustice, qu’est-ce que la liberté, quel est le prix à payer pour l’acquérir, qu’est-ce que le bonheur, peut-on tuer au nom d’un idéal ou d’une idée, que devient l’homme qui se rebelle contre l’autorité, celle de Dieu et celle du Père qui ne répondent plus à ses attentes, qu’a-t-il acquis et qu’a-t-il perdu depuis que la science prétend tout expliquer, quelle est la place de l’amour et quelles sont les formes qu’il peut prendre, bref, comme survivre et vivre dans un monde angoissant et apparemment absurde – ces questions existentielles, Dostoïevski les soulève à travers un roman, il les incarne dans des personnages et des intrigues. »
Parmi les livres les plus difficiles à lire, on trouve souvent Ulysse de James Joyce, L’Homme sans qualités de Robert Musil, L’Arc-en-ciel de la gravité de Thomas Pynchon et… Le Bruit et la fureur de William Faulkner. Ce dernier, publié en 1929, est traduit pour la première fois en français par Maurice Edgar Coindreau en 1938. Maurice Edgar Coindreau qui révise sa traduction en 1972… Coindreau, grand spécialiste de Faulkner, l’écrit lui-même dans sa préface : « La composition de The Sound and the Fury suffirait, à elle seul, à décourager le lecteur paresseux. ». En 2025, Charles Recoursé, qui propose une nouvelle traduction chez Gallimard du chef-d’œuvre de Faulkner, dit peu ou prou la même chose : « Lire Le bruit et la fureur, c’est avancer dans un brouillard qui se dissipe un peu avec chaque narrateur ; c’est progresser dans un chahut, un brouhaha qui s’éclaire progressivement. »
Il faudra donc du courage et de la ténacité pour se plonger dans ce Sud états-unien de la fin des années 1920. Un Sud habité par une riche famille qui porte un horrible regard sur ses domestiques noirs. La première partie, narrée par un « idiot », déstabilise fortement, et la lumière se fera peu à peu au fur et à mesure que les pages se tournent (et heureusement !). Cette nouvelle édition a également la bonne idée d’accoler un appendice rédigé dix-sept ans après la parution originale par Faulkner, et qui rend plus clair les enjeux de la famille Compson.
Les Frères Karamazov, Fiodor DOSTOÏEVSKI, roman traduit du russe par Sophie Benech, Editions Zulma, 1216 pages, 28,50 €
Le Bruit et la fureur, William FAULKNER, traduction de l’anglais (Etats-Unis) et avant-propos de Charles Recoursé, Gallimard, 400 pages, 23 €
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