Dans «Un taoïste n’a pas d’ombre» Patrice Fava nous révèle une autre Chine

Une vie consacrée à la Chine

Après des études aux Langues O, Patrice Fava arrive à Pékin au début des années 70. La révolution culturelle se termine, mais une chape de plomb écrase la culture chinoise traditionnelle. C’est en 1975 à Taïwan que l’auteur assistera pour la première fois à une cérémonie taoïste et rencontrera Maître Chen, son maître en Taoïsme. Il découvre un monde imaginaire d’une richesse incroyable, mais pour comprendre ces rituels complexes, il étudiera le Canon taoïste. Il s’installe à Pékin en 1986 et parcourt comme guide touristique les provinces chinoises. Le Taoïsme reste méconnu, mais cette religion ancestrale populaire, autonome, renaît lentement. Il découvre des lieux merveilleux comme la Montagne du cri de la Grue ou le village du Hunan qui était formé d’une seule et unique maison aux multiples ramifications. Il se marie en 1992 avec une cinéaste chinoise au Palais d’Été et fonde une famille à Pékin. Pékin dont il observe, en ethnologue, la vie quotidienne et dont il déplore les destructions. À partir de 1999 il débute une étude approfondie des statues sacrées des maîtres taoïstes du Hunan. Patrice Fava nous fait découvrir les trésors de la Cité interdite qu’il fera visiter, comme guide officiel, à Emmanuel Macron. Après son remariage il se rendra dans le Shandong, une région rurale traditionnelle et y étudiera le culte des ancêtres.

Comprendre la culture chinoise

Patrice Fava est sinologue, ethnologue et cinéaste. «Un taoïste n’a pas d’ombre» est un livre savant, « un livre monument » dont la lecture est parfois difficile. Mais Patrice Fava aime la Chine, il parle à plusieurs reprises de son bonheur d’y vivre. C’est donc un témoin privilégié par sa connaissance encyclopédique de la culture chinoise et par son immersion depuis plusieurs décennies dans le pays. Il nous peint une autre Chine plutôt rurale, non officielle, où les traditions ne sont pas mortes, où le merveilleux, l’imaginaire imprègne la vie quotidienne. La société chinoise a la mémoire longue !
L’auteur nous explique le Taoïsme, une religion basée sur un principe abstrait, immanent et transcendant. C’est le Tao, un souffle, une énergie cosmique dont sont issus les textes sacrés. Mais le taoïsme, c’est aussi une religion populaire dont les adeptes sont en dialogue permanent avec monde céleste complexe. Le lecteur découvrira des divinités multiples, des chamans, des exorcistes. Patrice Fava de manière très originale fait un rapprochement entre le taoïsme et le surréalisme.
Patrice Fava pose la question: qui est qualifié pour parler de la Chine? La Chine a créé une autre philosophie, une autre vision du monde. Contrairement à l’occident elle n’est par rentrée dans l’ère du désenchantement, de l’immanence, de la dissociation entre nature et culture. Patrice Fava déplore une certaine incompréhension, une incommunicabilité entre la Chine et l’occident. Alors il nous explique la cosmologie du Yin et du Yang et les invariants d’une pensée chinoise marquée par l’animisme et l’analogisme. Le livre, malgré sa complexité, pourra éclairer le lecteur sur une Chine non officielle qui n’a pas perdu sa culture, ses traditions, ses rites religieux. Patrice Fava nous offre une connaissance approfondie de l’empire du Milieu, grâce à une immersion de plusieurs décennies, à un travail d’ethnologue impressionnant. «Un taoïste n’a pas d’ombre» est un livre exigeant mais instructif, enrichissant.