Le dernier Cahier de L’Herne, le numéro 145, est dédié au travail de l’anthropologue Philippe Descola.
Dirigé par Grégory Delaplace et Salvatore D’Onofrio, ce Cahier se retrouve découpé en cinq parties : « Remonter l’Amazone, « Engagements théoriques : De la nature aux ontologies », « Politiques de l’écologie », « L’anthropologie et l’art : figurer, écrire » et « Compagnonnages ». Paru en 2005, Par-delà nature et culture reste un ouvrage majeur et questionne notre construction de l’opposition nature vs. culture. Comme l’écrivent dans leur Avant-propos Grégory Delaplace et Salvatore D’Onofrio, Descola se posait la question suivante : « L’anthropologie peut-elle continuer à postuler l’universalité de la « nature », d’un domaine du vivant autonome et extérieur à la « culture », censé lui préexister et voué à offrir un cadre passif à la diversité des usages sociaux des humains ? » Cette interrogation émanait des voyages et études de Descola réalisés dans la tribu des Achuars de l’Équateur dès le milieu des années 1970. En observant ces « Jivaros » (les fameux « réducteurs de têtes »), Descola allait mener une réflexion propice sur l’invention de la « nature » en tant que concept, le conduisant à développer quatre options ontologiques (des façons de voir le monde) : naturalisme, animisme, analogisme et totémisme.
Celui qui occupa la chaire d’anthropologie de la nature au Collège de France, de 2001 à 2019, livre ici quelques textes, dont des textes inédits sur le paysage, la comparaison (une leçon de clôture du Collège de France) ou encore un carnet de terrain inédit (qui permet de se rendre compte du travail concret d’un anthropologue). On peut également lire un étrange texte sur les réflexions de Descola concernant l’animisme après qu’un indigène lui a confié avoir rêvé plusieurs fois faire l’amour avec une loutre.
Plus globalement, le Cahier fait appel à des collègues, des amis, des étudiants ou des contradicteurs. On note ainsi des textes littéraires comme ceux de Pierre Michon et de Jacques Rancière, tandis que des textes comme ceux de Jérôme Baschet ou Pierre Charbonnier révèlent des approches plus scientifiques et concrètes. Remarquons enfin le beau texte d’ouverture, « De concert et de conserve », signé Anne Christine Taylor, qui partage sa vie avec Philippe Descola depuis cinquante ans, et remarque à quel point la répartition sexuée des tâches chez les Achuars a influencé leurs travaux.