« Biotope » : le microscope littéraire de Orly Castel-Bloom

Le bruit et la fureur de Tel-Aviv

Issue d’une grand-mère catholique normande, très juif comme personnage sans l’être devant la Torah, Joseph Shimel vit dans une des rues les plus bruyantes de Tel-Aviv, celle du Roi Saül. Il organise ses repas en fonction du trafic des automobiles pour que tout ne se renverse pas. Mais il ne souffre pas vraiment de sa solitude. Riche d’un petit héritage, il vit avec son chien et adore son chez-lui. Universitaire, spécialiste de la nourriture chez Balzac, il est limogé de l’université du jour au lendemain. C’est vexant et cela bouleverse son monde, mais le poisson a tôt fait de retrouver son bocal…

Généalogie d’une anti-héros

Dans un texte ciselé à souhait, le texte de Orly Castel-Bloom fait le portrait parfait de l’anti-héros. Alors qu’on voit les détails de sa vie apparaître dans une ironie qui nous fait mordre à l’hameçon et qu’on passe son temps à se demander si Shimel est sympathique ou non, l’air de rien, on traverse le 20e et le 21e siècle avec l’histoire des matriarches qui l’ont précédé. C’est vif, c’est drôle, c’est absurde et cela permet, sous prétexte de faire prendre la mesure de la manière dont, trois génération après,  l’angoisse perdure jusqu’à immobiliser un esprit à l’origine plutôt curieux.