Comme chaque été, le Voyage à Nantes revient se frotter à la ville et mettre en valeur ses particularités. Cette année, nous levons les yeux vers les géants tranquilles que sont les arbres.
Chaque année, le Voyage à Nantes évolue. La collection permanente s’enrichit de nouvelles œuvres, la ligne verte se courbe dans de nouvelles directions, des œuvres inédites s’installent le temps d’un été, toujours dans l’idée de montrer la ville sous un nouveau jour. Car si le Voyage à Nantes accueille ses visiteurs à bras ouverts, il s’adresse également aux nantais pour leur faire redécouvrir des éléments de leur paysage quotidien. Cet été, pour ce qui sera la dernière édition sous la direction de Jean Blaise, qui a créé l’évènement il y a douze ans, le parcours est placé sous le signe de l’arbre.
La ville de Nantes mène une politique nettement orientée nature et culture qui favorise la revégétalisation de la ville et la valorisation du patrimoine végétal existant. Parmi les quelques 150 000 arbres et la centaine de jardins, la ville abrite également une collection nationale de magnolias, introduits en 1711, et devenus les arbres emblématiques de la ville. Nombreux sont les arbres remarquables qui regardent passer la vie sous leurs ramures, offrant abri et fraîcheur au passant. Parmi eux, une vingtaine ont été sélectionnés pour être présentés dans un petit livret et recevoir un bijou d’arbre créé par la Maison Pelletier Ferruel, distinctions temporaires décernées pour souligner leur présence exceptionnelle. Car aujourd’hui plus que jamais, les arbres et la végétation sont nécessaires en ville contre le réchauffement climatique et ainsi, nous rendons hommage à nos alliés.
Le parcours nous entraîne donc à la rencontre d’arbres vénérables tels que les quatre tilleuls formant une marquise au-dessus de l’entrée du cimetière de la Bouteillerie, sous lesquels Aurélie Ferruel et Florentine Guédon installent un récit autour des graines de tilleul et des glaneurs fossilisés dans la pierre. Au pied du château, Max Coulon joue avec un pin parasol couché qu’il enserre d’une main géante taillée dans un séquoia récemment abattu dans la région, à l’odeur encore forte et d’une surprenante couleur rouge. Cours Cambronne, les designers Barreau Charbonnet nous offrent la possibilité de grimper leur escalier-belvédère en bois coloré pour admirer la floraison des magnolias de près. Square Schwob, c’est un autre pin parasol qui porte la sculpture de Yushin U Chang préfigurant en coupe la croissance d’un arbre qui peut vivre 250 ans.
Mais tous ne se sont pas appuyés sur les arbres existants. Jean-François Fourtou par exemple a rapporté du Maroc où il vit un enfant mi humain, mi palmier qui attend l’heure du coucher au milieu de la minéralité de la place Royale. Place Graslin, Henrique Oliveira fait surgir de sous les pavés une racine qui part à l’assaut des marches du théâtre, telle une main de bois recomposé, un animal végétal à la puissance qui pourrait détruire. Fabrice Hyber a quant à lui reproduit son homme de Bessines en grand format en assemblage de bois tombés à Nantes au milieu du massif armoricain du jardin botanique. L’eau qui s’écoule de la sculpture la rendra peu à peu verte de mousses, mettant en avant le lien essentiel du végétal et de l’eau.
L’eau dans la ville et l’accès de tous à l’eau potable sont des problématiques majeures de santé publique. Ainsi, Claire Tabouret installe une statue de deux baigneuses dans la fontaine venant occuper la niche des anciens Bains-douches construits après le comblement d’un bras de la Loire. Détournant la fonction hygiéniste du lieu par les maillots de bain à rayures des jeunes filles, la sculpture instaure un lien à l’eau plus ludique. De même, l’auteur de bande dessinée Cyril Pedrosa apporte une note de fantaisie à la célèbre fontaine Wallace, dessinée à l’origine par le nantais Charles-Auguste Lebourg. Il compose un récit d’évasion des cariatides en quatre chapitres dispersés dans la ville, se libérant du poids d’être muses, ajoutant à un projet urbain une dimension actuelle et poétique.
En contrepoint à la partie aquatique de la programmation, la vidéo de David Claerbout montre une forêt en travelling lent prendre feu peu à peu, dans une ambiance catastrophico-méditative troublante. Pour compléter la visite, plusieurs expositions sont visibles dans les musées de la ville : les sculptures et tableaux de laiton de Caroline Mesquita à la HAB Galerie, les volutes d’encre noire de Lassaâd Metoui au château des Ducs de Bretagne ou encore les installations joueuses de Pierrick Sorin au Musée d’arts de Nantes. Celui-ci prolonge l’exposition en ouvrant pour l’occasion son atelier nantais et nous montre les coulisses de ses créations.
Si au premier abord on peut penser que prendre un thème tel que l’arbre pour un festival est une solution de facilité, on se rend vite compte que la richesse du sujet et la variété des réponses artistiques, souvent surprenantes, font que cette édition du Voyage à Nantes, loin d’être un marronnier, étend la fraîcheur revigorante de ses branchages sur la ville.
Du 06 juillet au 08 septembre 2024
Visuels : Le Voyage à Nantes 2024 © Martin Argyroglo _ LVAN
1- Yuhsin U Chang. Un Pinus pinea l’an 2252
2-Henrique Oliveira. Le rêve de Fitzcarraldo, place Graslin
3-Cyril Pedrosa. L’évasion, rue des États
4-Barreau Charbonnet, Le sursaut des bois courbes
5-Jean-François Fourtou, L’enfant Hybridus, place Royale
6-Max Coulon, Luffy and the tree